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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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Batista. Je suis convaincu que Brù est inquiet à l’idée de commettre un faux pas dans cette affaire et d’avoir à subir les réprimandes de celui qui l’a hissé au pouvoir. »
    Il se tut une nouvelle fois avant de poursuivre :
    « Et lorsque l’on parle du colonel Batista, on parle aussi de l’influence américaine. Dans ce cas précis, je doute fort qu’elle se manifeste, en tout cas dans un sens favorable. Je suis certain que les États-Unis ne verraient pas d’inconvénient à ce que les réfugiés restent confinés sur le territoire cubain, ou qu’ils soient rejetés vers une autre nation. Vous n’êtes pas sans savoir que l’opinion américaine est, elle aussi, largement défavorable à l’arrivée de nouveaux émigrants. Je vous rappelle que le président Roosevelt a promis, entre autres, de réduire le taux de chômage. À l’heure actuelle, plus de dix millions d’Américains sont toujours sans emploi. Autre détail qui n’est pas sans importance : Roosevelt a l’intention de se représenter. En vérité, le destin des passagers du Saint-Louis est lié à un nombre de facteurs qui, bien qu’étrangers l’un à l’autre, sont étroitement imbriqués.
    — Mais alors…
    — Alors, nous allons nous battre. C’est tout. »
     
    Aux alentours de dix-sept heures, le contrôle sanitaire était terminé. Les médecins cubains rédigèrent un rapport indiquant qu’aucune personne à bord ne souffrait de maladie contagieuse et se retirèrent.
    Au moment où ils s’apprêtaient à quitter le navire, Dan Singer les interpella :
    « Quand débarquerons-nous ? Avez-vous une idée ? »
    Pour toute réponse, l’un des médecins répliqua d’un air désinvolte :
    —  Mañana, quizá. Demain, peut-être. »
    Heinz Rosenbach, qui se trouvait aux côtés de Singer, devait écrire :
    « Mañana nous pourrions aller à quai, c’est d’ailleurs le premier mot espagnol que j’ai appris, mañana. Des gens sont montés à bord et nous ont dit que demain, mañana, nous pourrions descendre. Plus tard, des rumeurs ont commencé à circuler comme quoi nous ne pourrions pas débarquer. Vous savez, nous étions jeunes et nous n’y prêtions pas grande attention. On ne comprenait rien. Nous avions des papiers en règle. Nous avions des autorisations, nous ne pénétrions pas à Cuba en clandestins. »
    À peine les médecins repartis, une nouvelle chaloupe vint accoster à l’échelle de coupée. Un homme se hissa à bord. Avisant le premier marin, en l’occurrence Leo Jockl, il lui demanda de le conduire auprès du capitaine.
    « Qui dois-je annoncer ? interrogea le marin.
    — Luis Clasing, le représentant de la compagnie. »
    Lorsque Schröder vit apparaître l’agent de la Hapag, il poussa un soupir de soulagement. Enfin il allait pouvoir obtenir des éclaircissements ! Dialoguer autrement que par l’intermédiaire de câbles sibyllins.
    « Heureux de vous voir », lança-t-il en indiquant un siège à son visiteur.
    Il enchaîna très vite :
    « À quoi rime cette mascarade ? »
    Clasing ôta le panama qui recouvrait son crâne en sueur.
    « Un contretemps. Néanmoins, je suis convaincu que nous trouverons une solution. »
    Schröder plissa le front.
    « Un contretemps ?
    — Disons qu’il s’agit d’un problème lié aux autorisations de débarquement. »
    Clasing essaya d’expliquer du mieux qu’il put l’imbroglio du décret n° 937 qui rendait caducs les visas délivrés à titre touristique.
    « Si j’ai bien compris, fit remarquer Schröder, cette loi a été promulguée sept jours avant que nous ne quittions Hambourg. »
    Clasing confirma.
    « Ce n’est pas croyable !
    — Pas croyable ? »
    Le visage du capitaine s’empourpra.
    « Vous étiez au courant ! Holthusen aussi ! Et vous nous avez quand même laissés appareiller ?
    — Pour quelle raison aurions-nous annulé ce départ ? »
    La question fit à Schröder l’effet d’une gifle.
    « Pour quelle raison ? »
    Lui qui ne haussait jamais le ton explosa.
    « Vous me laissez emmener un millier de passagers sachant que le port de destination refusera de les accueillir ? C’est tout simplement criminel. »
    Clasing essuya du revers de la main la sueur qui maintenant dégoulinait sur son front.
    « Vous n’avez pas compris, capitaine. »
    Il reprit à son compte les propos de Benitez :
    « Rien ne se passe ici comme chez nous. Rien n’est définitif. De plus, la loi

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