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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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livres de caisse…
    — Alors, enseignez-moi ! fit le jeune homme joyeusement. Ma future famille vous en sera chaudement reconnaissante… et au moins je cesserai d’avoir l’air d’un imbécile quand Batz me délivre ses grandes tirades sur l’agiotage, les taux d’escompte et tout ce fatras beaucoup plus hermétique pour moi que le latin de mon enfance…
    Fermement tenu en laisse par la petite Madame Cabarrus, Gilles assista à la messe du village puis escorta la Reine de Mai au trône fleuri que l’on avait disposé pour elle devant le portail de l’église. Mais avant d’être admis à baiser la petite main que Thérésia brûlait visiblement d’offrir à ses lèvres, il dut acquitter le droit de péage que lui réclamaient joyeusement les suivantes ainsi que le voulait la coutume. Il remit donc son obole, plia le genou devant Thérésia et posa un baiser léger sur les doigts menus qui retinrent les siens avec une vigueur inattendue.
    — Vous viendrez me chercher le 15 ? Vous promettez ? pria la fillette.
    — Si c’est en mon pouvoir, je serai là. Je vous le promets. Et, de toute façon, je promets aussi de n’aller à la Pradera avec aucune autre…
    —  Vaya con Dios, señor !… Je vous attendrai…
    D’autres « fidèles sujets » approchaient amenés par les « suivantes » qui les raccolaient sans vergogne pour peu qu’ils leur parussent séduisants ou bien habillés. Gilles s’éloigna pour rejoindre l’ombre des platanes sous lesquels un valet attendait avec son cheval.
    Il était moins pressé, tout à coup, de retrouver l’atmosphère étouffante d’un palais royal, fût-ce celui, plein de grâce, d’Aranjuez. Le temps était merveilleux. Très haut par-dessus les neuves frondaisons des arbres, le soleil étalait sa gloire chaleureuse dans un ciel outremer et, sur la place de l’église, la fête s’organisait. Des guinguettes de plein vent avaient poussé où l’on pouvait manger des piments, des saucisses à l’ail, des tomates, des melons, des gâteaux d’amandes en buvant des vins épais et parfumés. Des forains étalaient leurs tapis pour y montrer les tours de leurs singes savants ou de leurs chèvres dressées. Des porteurs d’eau, des marchands d’ombrelles circulaient à travers la foule à chaque instant plus dense qui entourait le trône de la Reine : hidalgos d’autant plus arrogants qu’ils étaient plus misérables, « petimetres 1  » caquetant et sautillant dans leurs vêtements de soie à la mode de Versailles, « majos » brillants comme des coqs de combat, le jarret tendu dans le bas de soie de couleur tendre, tous unis pour un instant dans leur commune admiration pour Thérésia dont ils proclamaient à l’envi la beauté en termes parfois osés.
    — Béni soit le ventre qui t’a faite si belle !
    — L’homme qui t’aura dans son lit sera l’égal d’un dieu !…
    Les femmes aussi étaient nombreuses, paysannes en robes bariolées, un châle sur la tête, majas insolentes, 1’œil aguichant sous la mantille de mousseline, la taille cambrée dans le corset sans baleines et la jambe nerveuse sous les volants de l’ample jupe. Toutes étaient jolies…
    Le son des guitares vibra dans le soleil, animant plus encore le tableau. Les pieds, légers dans leurs espadrilles, s’envolèrent dans le tournoiement des jupes au rythme du fandango ou de la séguedille. Une légère poussière se leva sous le martèlement impérieux des talons. Gilles s’accorda un regret, un soupir. C’était dommage de quitter tout cela…
    De l’abri des arbres une voix joyeuse l’interpella :
    — Quelle mine pour un jour de fête, señor capitano  ! Le ciel est pur, le vin frais, les filles sont belles et la Reine plus belle que toutes les autres ! Que te faut-il de plus ?
    Clignant sous l’éclat du soleil, le regard du jeune homme fouilla l’ombre et finit par découvrir, appuyé à un platane, un homme vigoureusement charpenté qui crayonnait négligemment en fumant un cigare. Son visage s’éclaira aussitôt.
    — Paco ! Vrai Dieu ! Il y a des siècles que je ne t’ai vu…
    — Les grandeurs de la Cour te brouillent la vue, mon ami. Ce n’est pas moi qui suis parti, à Pâques, pour Aranjuez. Tout ce que je sais, c’est qu’à la taverne de Los Reyes, les « Manolas » pleurent et se lamentent parce que tu ne viens plus !
    Dans le large visage couleur d’olive pâle, les yeux très noirs scintillaient sous l’arcade

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