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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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lui-même, qu’il s’était choisie pour compagne…
    Mais un autre possédait ce domaine qu’il sentait sien si intensément et, paradoxalement, il lui fallait, pour le conquérir, s’en éloigner. Le château, pareil à quelque dieu impitoyable, exigeait déjà de lui un sacrifice cruel : quitter la France, s’arracher encore de la terre natale pour s’en aller demander à l’Espagne un peu de l’or qu’elle extrayait toujours, avec le sang et les larmes, de son Amérique à elle où elle n’avait cependant d’autres droits que ceux de la conquête et de la redécouverte par un mercenaire illuminé.
    Pire encore : s’exiler c’était renoncer à chercher lui-même la trace, chaque jour plus ténue, de Judith ; c’était confier à d’autres, à des fonctionnaires capables peut-être mais indifférents, cette quête de la bien-aimée, pour lui tendre et douloureuse à la fois…
    La voix de Pongo perça le silence obstiné où il s’enfermait en contemplant, des larmes au fond des yeux, l’écu rongé d’humidité des Tournemine.
    — Quitter terre des ancêtres est cruel, dit-il. Mais dans pays indien, Sages qui cherchent vérité dans cœur brûlant du feu disent que Vallée Heureuse s’ouvrir seulement après long et difficile chemin avec épines et pierres tranchantes. Savoir choisir chemin difficile c’est souvent choisir victoire… et c’est être homme vrai !
    — « … car le chemin est malaisé et la porte étroite ! » récita gravement Batz. On dirait qu’entre la sagesse indienne et l’Évangile il existe bien des points communs. Allons, chevalier mon ami, bois un peu de cet excellent rhum pour chasser les humeurs noires et dormons ! Demain tu décideras de ta route : celle de Madrid via Versailles avec moi… ou celle de Pontivy tout seul !
    Gilles saisit la gourde, en lampa une longue rasade, s’essuya la bouche à sa manche puis rendit le flacon à son ami. Son regard était redevenu clair.
    — Celle de Madrid, morbleu ! Et que le Diable t’emporte !…
    Alors seulement le vieux Joel qui, debout, aussi immobile qu’une pierre, derrière la porte, avait écouté passionnément leur conversation, se signa d’un geste large, murmura quelques paroles d’actions de grâces puis, appuyé sur son bâton noueux, s’éloigna vers son logis. Il souriait, heureux depuis bien longtemps car il avait l’espoir de voir revenir un jour le jeune maître. En attendant, avec Pierre, il allait reprendre les recherches du trésor, interroger les vieilles pierres, les troncs noueux, les souterrains écroulés, ce qu’il s’était toujours refusé à faire. Mais à présent, il savait pour qui lui et son petit-fils allaient peiner…
    1 .  Voir Le Gerfaut des Brumes.
    2 .  Notre actuel Opéra-Comique mais le bâtiment fut reconstruit en 1883.
    3 .  Voir Le Gerfaut des Brumes.
    4 .  Il s’agit de livres or, donc d’une très forte somme.

PREMIÈRE PARTIE
    LA NUIT D’ARANJUEZ
    Printemps 1784

CHAPITRE PREMIER
    LA REINE DE MAI
    Les notes d’une chanson montaient dans l’air bleu du matin portées par les voix joyeuses d’une troupe de jeunes filles. Elles venaient des profondeurs du jardin et grandissaient d’instant en instant. C’était comme si la rivière avait choisi de remonter le coteau pour rafraîchir le parc et à l’approche de la chanson, les oiseaux se taisaient.
    Soudain, près du boulingrin, il y eut, sous les arceaux de la vigne, comme un bouquet de fleurs mais un bouquet singulièrement animé. Les jupons rouges et les tabliers bariolés dansaient autour des chevilles, minces dans leurs bas blancs bien tirés, sur lesquels s’entrecroisaient les rubans des espadrilles neuves. Les longues franges des châles voltigeaient dans le vent léger.
    Les filles allaient deux par deux, celles qui venaient en tête portant un grand arceau fleuri de lilas, les autres des bouquets de ces hautes bruyères bleuâtres qui adoucissent la rudesse de la sierra ; la dernière, enfin, tenait entre ses mains avec la gravité d’un évêque portant le saint sacrement une légère couronne de jasmin et d’églantines.
    Sur le point de quitter la demeure de ses amis Cabarrus, le château de San Pedro de Carabanchel où il avait passé la nuit, pour regagner Aranjuez, Gilles, occupé à mettre ses gants avant d’enfourcher Merlin que lui amenait un laquais, s’arrêta, surpris par la nouveauté du spectacle.
    — Qu’est-ce qui nous arrive là ?
    L’homme sourit

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