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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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puni pour avoir osé me poser une question !
    Parce qu’il était étranger… ou bien parce que l’on avait besoin de lui ? Car cette fois la chose s’éclairait : on lui confiait la garde de l’incandescente princesse parce que, selon les idées courtes de l’entourage royal, les yeux d’une princesse des Asturies ne pouvaient seulement s’arrêter sur un barbare du Nord, à plus forte raison son cœur…
    L’énoncé de ce principe un peu simpliste lui rappela une anecdote qui avait couru les corps de garde. Après l’aventure Montijo, alors que le Roi indigné mettait son fils en face de ses responsabilités et de son infortune conjugale, le bon prince Charles s’était mis à rire en déclarant que tout cela n’était qu’un conte de bonne femme et qu’il était, quant à lui, parfaitement tranquille parce qu’une princesse de sang royal ne pouvait, de toute évidence, avoir des bontés pour un homme de race inférieure. Cette parfaite tranquillité conjugale avait plongé Charles III dans un tel abîme de stupéfaction qu’il avait tout juste réussi à soupirer.
    — Quel idiot tu fais, Charles ! Tu devrais savoir qu’elles sont toutes les mêmes, toutes des p… !
    Le bon prince héritier s’était obstiné à ne pas suivre son père sur ce chemin qu’il jugeait inconvenant et peu confortable mais, à la Cour, il n’était pas le seul et de loin à professer ce genre de théorie. Même si Maria-Luisa prenait pour amants la moitié des Gardes du Corps ou même le régiment tout entier, il s’en trouverait toujours pour affirmer sans rire que la chose étant impensable ne pouvait pas être… et moins encore avec un être de race inférieure comme un Français. L’idée ne serait même pas venue au noble duc que la princesse des Asturies, étant née Bourbon-Parme et petite-fille du roi Louis XV, pouvait trouver quelque plaisir à rencontrer un compatriote de son séduisant grand-père.
    Avec un haussement d’épaules intérieur, Tournemine, peu désireux d’approfondir les concepts par trop obscurs d’un grand d’Espagne, alla rassembler ses hommes et se dirigea vers le palais pour y procéder à la relève des Gardes du Corps.
    Debout dans une rigidité de statue, à l’entrée d’un salon, il assista au souper que la princesse prenait toujours seule, sans en rien voir que le moutonnement silencieux des dos de femmes et de moines qui encombraient la pièce. Sans d’ailleurs y prêter non plus la moindre attention. Dans la hiérarchie de cour il n’était, il le savait, rien de plus qu’un meuble, l’égal des lourds candélabres de bronze doré posés à même le sol et qui supportaient les bougies de l’éclairage, mais cela ne le gênait pas car le salon baignait dans un silence de sacristie que troublait à peine le cliquetis de la vaisselle et des couverts et il pouvait laisser son esprit vagabonder autant qu’il le voulait dans le sillage parfumé de la belle maja retrouvée à Carabanchel. Les aventures extraconjugales de la princesse étaient déjà oubliées…
    L’esprit peuplé d’idées agréables, du projet d’un souper chez Goya et d’une attentive visite des lieux fréquentés habituellement, à Madrid, par Pedro Romero, Gilles ne vit pas passer l’interminable cérémonie du souper. Il revint seulement sur terre quand la sévère silhouette de la Camerera Mayor vogua vers lui dans ses dentelles noires comme une galère funèbre, poussant devant elle à la manière d’un troupeau le groupe révérencieux des témoins du souper qui refluaient pour laisser Son Altesse se coucher.
    — Vous prendrez votre veille dans la première antichambre, lui dit la grande dame. Fermez toutes les portes car Son Altesse Royale le prince héritier, victime d’un léger malaise, restera chez lui cette nuit. Vous vous assurerez que les soldats de la Garde Wallone sont bien à leur poste dans la galerie.
    Cette dernière recommandation arracha un demisourire à l’officier à l’idée des réactions d’Almodovar s’il avait pu entendre l’autoritaire duchesse de Sotomayor empiéter ainsi sur son territoire. Mais, souhaitant surtout être rapidement délivré de cette femme dont le regard sans tendresse le détaillait avec une sorte de dégoût poli, il se contenta de s’incliner et s’en alla exécuter les consignes.
    Peu à peu, le palais s’endormit. Les bruits s’éteignirent l’un après l’autre, et en tout dernier lieu le murmure feutré des prières

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