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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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réformateur et sachant choisir ses serviteurs mais, veuf depuis vingt-quatre ans de Marie-Amélie de Saxe qui avait mis au monde treize enfants, il était demeuré obstinément fidèle à son souvenir. Roi veuf, roi chaste, il traquait impitoyablement les amours illicites dans son entourage, ne s’accordait que le plaisir de la chasse, portait toujours les mêmes vêtements et haïssait cordialement tout ce qui était plaisir frivole. À sa cour, point de bals, point de concerts, point de festins ! La seule distraction était le « baisemain », insipide cérémonie qui avait lieu à date fixe et au cours de laquelle le Roi, assis sur son trône, voyait défiler devant lui, en grand costume d’apparat, la totalité de sa cour et de ses grands serviteurs. On s’inclinait, on baisait les phalanges royales posées sur l’accoudoir du trône, on se relevait et on laissait la place au suivant. Après quoi, chacun s’en retournait chez soi… Les princes et princesses avaient droit, eux aussi, à ce très relatif amusement… mais n’en usaient guère.
    Lorsque Gilles aperçut enfin le fronton baroque du palais la nuit était presque tombée. Merlin avait perdu l’un de ses fers sur la route et l’avait retardé. Mais il savait que cette excuse ne serait guère acceptée du duc d’Almodovar, capitaine de la Garde Royale, qui ne plaisantait ni sur l’heure exacte ni sur la discipline.
    La chance, cependant, était avec lui. Alors qu’il forçait l’allure de son cheval, assez inquiet de ce qui l’attendait, il s’aperçut que, bienheureusement, son arrivée au moins ne serait probablement pas remarquée car le Roi, à cette même minute, revenait de la chasse. Sous la lumière des lanternes, une véritable foule encombrait l’esplanade du palais et dominant cette foule de toute la hauteur de son grand cheval, le retardataire reconnut son capitaine qui se tenait auprès du Roi.
    Sans s’amuser à contempler le souverain, toujours pareil à lui-même dans sa casaque grise en gros drap de Ségovie et ses culottes en peau de buffle, Gilles sauta à terre et tenant son cheval par la bride, il regagna le quartier des Gardes établi près du Palais, dans les Casas de Oficios y Caballeros. L’ombre des portiques sous lesquels s’ouvraient les Casas acheva de l’escamoter.
    À sa surprise, il y trouva Pongo qui, abandonnant pour une fois son impassibilité indienne, faisait les cent pas en se rongeant les ongles. Celui-ci se jeta littéralement sur lui.
    — Toi oublié l’heure, maître…
    — Non, mais Merlin s’est déferré. Il faudra que tu regardes cela de près car je n’ai guère confiance dans le maréchal-ferrant qui s’en est occupé ! Mais pourquoi es-tu si inquiet ? On m’a demandé ? Qui ?… Le duc ?
    Pongo fit signe que oui, puis ajouta :
    — Lui se mettre en colère mais, par chance, Roi rentrer de chasse plus tôt que d’habitude. Lui reparti et pas encore revenu. Moi demander Grand Esprit te faire revenir vite !
    — On dirait que depuis que tu as quitté la Virginie, le Grand Esprit n’a plus rien à te refuser, fit Gilles en riant. Avec un peu de chance j’aurai même le temps de rendre ma tenue plus présentable avant son retour.
    Jetant la bride à son serviteur, il s’élança dans l’escalier menant à son logis car, ayant tous rang d’officiers, les Gardes du Corps de Sa Majesté Très Catholique possédaient chacun une chambre individuelle dans les communs quand il s’agissait des résidences extérieures à Madrid. Dans ce cas, le régiment n’envoyait qu’une ou deux brigades, par roulement, les autres demeurant dans la capitale où ils possédaient une fastueuse caserne. Gilles ayant le grade de lieutenant en second avait droit à un petit appartement de deux pièces.
    Il abordait en courant le couloir qui y menait quand il entra en collision avec l’un de ses camarades, le jeune Don Rafael de Molina qui arrivait en sens inverse. Le choc fut rude mais l’Espagnol le prit avec un flegme tout britannique.
    — Tiens, Tournemine, fit-il en se frottant l’épaule. Quelle heureuse rencontre ! Savez-vous qu’on vous cherche partout, mon cher ?
    — Vous aussi ? Mais, sacrebleu, pourquoi suis-je devenu indispensable, tout à coup ? Ma demi-brigade est de service ce soir et je suis légèrement en retard mais je ne vois pas…
    — Vous allez voir tout de suite ! Autant que vous soyez prévenu avant de voir notre capitaine : votre demi-brigade

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