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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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n’est plus au complet, il vous manque un homme.
    — Pourquoi ? Un malade ?
    — Une maladie grave : la disgrâce ! Ordre de quitter le palais dans les deux heures !
    — Dans les deux heures ? Diable ! Et la raison ?
    Le jeune Molina prit un air mystérieux.
    — Cela, mon cher, je ne me sens pas autorisé à vous le dire. Son Excellence s’en chargera elle-même. J’ajoute qu’en votre absence et celle du marquis de Peñaflor, notre brigadier, qui soigne une ancienne blessure, Son Excellence a dû procéder elle-même à une exécution fort indigne d’elle et que cela l’a mise de fort méchante humeur. Un duc d’Almodovar n’est pas fait pour balayer la poussière !
    — Quand on est un véritable soldat, on fait bien plus que cela ! riposta vertement le chevalier. Vous seriez surpris de ce que j’ai vu faire au général Washington, cependant l’un des plus grands hommes de ce temps. Il est vrai que le général a très peu de points communs avec Son Excellence ! ajouta-t-il avec un rien d’insolence.
    Le nom de l’Américain tombé si brutalement dans la conversation arracha au jeune Espagnol une sorte de hoquet horrifié. Il se signa précipitamment comme si son camarade venait d’évoquer l’Antéchrist.
    — Ce général-là n’est point un grand seigneur ! Chacun sait que ces Américains sont de véritables sauvages et que…
    Peu désireux d’entamer une controverse avec Molina, Gilles préféra couper court. Le roi Charles III était sans doute un « despote éclairé » mais, à sa cour, il était bien le seul à posséder quelques teintes de libéralisme. Seuls, des hommes tels que Paco pouvaient considérer avec sympathie la nouvelle république américaine…
    — Au fait ! dit-il. Qui est l’homme renvoyé ?
    — Don Luis Godoy.
    — Ah !… Eh bien, merci de m’avoir prévenu, mon cher…
    Tout en procédant à une rapide toilette et en changeant ses bottes fatiguées par la route pour d’autres immaculées, Tournemine essaya de deviner ce que Molina ne lui avait pas dit. Il n’avait besoin d’aucun effort de mémoire pour retrouver le personnage de Luis Godoy, jeune hidalgo issu d’une bonne famille d’Estrémadure dont le teint frais et les yeux clairs tranchaient vigoureusement sur l’aspect général des Gardes du Corps où les peaux olivâtres l’emportaient de beaucoup sur les teints de lait. C’était en plus un garçon aimable, souriant, aimant la vie et les plaisirs avec une ardeur juvénile. Courtois, toujours de bonne humeur, accomplissant son service avec une parfaite rectitude, qu’avait bien pu faire Don Luis pour se faire ainsi chasser comme un laquais indélicat ?…
    Gilles trouva de lui-même la réponse quand, un quart d’heure plus tard, il affronta les six pieds de hautaine splendeur de son chef. Non que le premier duc d’Almodovar daignât donner des explications dont selon lui un officier étranger n’avait que faire car, après avoir fait comprendre au jeune homme son mécontentement au sujet d’une « absence que rien ne justifiait » et refusé d’entendre sa défense quelque peu agacée, il se borna à lui dire :
    — Vous aurez, Monsieur, à prendre vous-même la garde à la porte de l’appartement de Son Altesse Royale la princesse des Asturies. Votre consigne : n’y laisser entrer personne, vous m’entendez bien, personne ! Sauf, bien entendu, le Roi ou Monseigneur le Prince Héritier !
    Ainsi c’était cela ? Après Montijo, après San Fernando, c’était le tour de Luis Godoy ? L’avertissement de Goya lui revint en mémoire.
    — Les Gardes du Corps intéressent énormément la princesse. Ton tour viendra s’il n’est pas encore venu. Mais prends garde !
    Le tempérament frondeur de Tournemine, nourri au lait de la liberté par la jeune Amérique, le poussa à demander justement, et non sans insolence, ces explications que l’on ne souhaitait pas lui donner.
    — Puis-je savoir, Monseigneur, à quoi je dois une si flatteuse distinction ? Ce n’est tout de même pas au fait que j’étais en retard ?
    Les yeux un peu ronds de Don Alfonso le fusillèrent sur place.
    — Au seul fait que vous n’êtes pas espagnol, Monsieur ! Et qu’à ce titre, rien de ce qui se passe dans ce palais ne doit présenter d’intérêt pour vous… pas plus que vous ne pouvez présenter d’intérêt aux yeux de ses habitants ! J’ajoute que c’est encore à ce titre que vous devrez de ne pas être

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