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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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l’aventure, la fille glissa de ses bras et s’enfuit avec un éclat de rire…
    À revoir ainsi, dans la grande lumière du soleil, sa fugitive compagne d’un instant, Gilles la trouva plus belle encore. Elle souriait et le soleil faisait briller ses lèvres rouges sur ses dents aiguës de joli fauve… La mine suffisante du torero, ses airs de propriétaire exaspérèrent le jeune homme qui résolument fonça sur la voiture. Si impétueusement même que Romero dut retenir son attelage, craignant la collision. Mais déjà Merlin, enlevé par la poigne vigoureuse de son maître, s’était cabré. Ses jambes fines battirent l’air assez près de la tête du torero pour le faire pâlir et lui arracher un juron tandis que Gilles, enlevant son tricorne d’un geste large, saluait sa compagne.
    Elle n’avait pas eu peur. À son sourire, à l’œillade provocante qu’elle lui adressa, le chevalier vit qu’elle l’avait reconnu. Romero, lui, s’était contenté de reconnaître l’uniforme des Gardes et, malgré la morgue habituelle à ceux de sa profession, les injures prêtes à jaillir de sa bouche crispée se muèrent en un grondement indistinct mais ses yeux eurent pour l’officier un regard meurtrier.
    Content d’avoir retrouvé son fantôme du Carnaval, celui-ci n’y prit même pas garde.
    — Quand tu voudras, où tu voudras, ma belle ! lança-t-il quand Merlin eut retrouvé ses aplombs. Un mot, un signe et j’accourrai vers toi ! Je m’appelle Gilles de Tournemine.
    Sans se soucier davantage du visible mécontentement de son compagnon, la maja sourit de nouveau avec une grâce plus appuyée. Tandis que l’aile noire de l’éventail accélérait son rythme, la main de la jeune femme monta à sa gorge, y prit l’une des roses pourpres et la jeta au jeune homme qui l’attrapa au vol. Il en respira le parfum avant de la glisser sous sa veste, chaude encore de la peau qu’elle avait touchée. Puis, saluant aussi profondément que si la belle eût été reine :
    —  Adios, señorita ! Nous nous reverrons…
    Et, piquant des deux, il laissa, sans se retourner, le joyeux galop de Merlin l’emporter sur la route du sud, mais les yeux noirs de la belle maja suivirent sa silhouette aussi longtemps que la poussière le permit.
    Alors, devant l’église, il se passa quelque chose. Personne ne comprit, à Carabanchel, pourquoi, au plus joyeux de la fête, alors que les adorateurs assiégeaient son trône fleuri, la plus jolie des Reines de Mai s’était échappée brusquement et, les yeux pleins de larmes, avait repris en courant le chemin du château paternel…
     
    Bâti à l’origine par le sombre Philippe II mais reconstruit après incendie par le premier des rois bourbons, le palais d’Aranjuez n’était sans doute pas le plus majestueux ou le plus riche des châteaux royaux, surtout depuis la récente construction du monumental Palais Royal de Madrid, mais il était certainement le plus agréable…
    Joyau couleur d’aurore, noble sans raideur, serti dans le foisonnement d’une « vega » luxuriante inventée par le Tage au milieu d’une steppe brune, Aranjuez étirait la grâce rose de ses bâtiments au milieu des molles douceurs de ses jardins où le jaillissement des vertes frondaisons luttait avec celui des jeux d’eaux. Tout cela s’intégrait aux méandres du fleuve dont les berges s’abritaient de saules et servaient de port aux gondoles royales habillées de soie jaune et de crépines d’or.
    C’était l’un de ces endroits privilégiés créés pour le repos, la détente, la joie des sens et si les jardins ne voyaient plus courir les autruches, les gazelles et les dromadaires comme au temps de Philippe II, les milliers de fleurs qui les peuplaient ne s’en portaient pas plus mal.
    Hélas, le malheur voulait que ce charmant palais subît, de compte à demi avec les autres résidences royales, le nivellement de l’ennui. Qu’il eût plus de gaieté que l’austère Escurial, plus de grâce que le Palais Royal, plus de confort que le palais montagnard de la Granja entre lesquels se partageaient les saisons de la Cour ne le sauvait pas pour autant du poids intolérable de l’étiquette espagnole ni de la morne sévérité que faisait régner autour de lui son maître, le roi Charles III.
    C’était pourtant un excellent roi, le meilleur sans doute de toute la dynastie Bourbon d’Espagne : grand bâtisseur, grand politique, nourri de philosophie, grand

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