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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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voudras. Ma maison est la tienne. Nous allons boire et nous donner du bon temps…
    — J’ai peur que nous n’en n’ayons pas beaucoup, fit Gilles en riant. Il faut que je quitte l’Espagne au plus vite si je veux rester en vie. Et puis, je n’ai aucune envie de te causer des ennuis. Je suis recherché…
    — Je m’en doute. Mais comment vas-tu faire pour quitter le pays ?
    — Je crois que j’ai une idée. Mais si tu pouvais faire prévenir mon ami Jean de Batz, cela m’arrangerait. D’ailleurs il doit se demander ce qui se passe car c’est sans doute chez lui que l’on me cherche en premier.
    Goya glissa son bras sous celui de son ami.
    — Ne restons pas là. Même à l’abri des murs il n’est jamais bon à Madrid de discuter en plein vent. On n’est jamais certain qu’une oreille du Saint-Office ne traîne pas à portée. Il a beaucoup perdu de sa virulence mais il existe encore, hélas ! Nous serons mieux à l’intérieur. Et puis Micaela peut se poser des questions…
    — Micaela ?
    — Entre, tu verras ! Tu es mon ami. Tu as le droit de tout savoir de moi.
    L’atelier du peintre était une assez vaste pièce sur laquelle une longue lucarne exposée au nord et drapée d’un vélum déversait une lumière plus froide que le brillant soleil ne permettait de le supposer. Peu de meubles, en dehors d’une grande statue de bois polychrome de Notre-Dame-de-la-Atocha, pour laquelle Goya éprouvait une vénération sincère, un grand chevalet, des toiles en désordre, des pots de peinture, des palettes sales, un divan bas couvert d’un fouillis de châles et de coussins. Mais à peine entré dans l’atelier, Gilles ne remarqua rien de tout cela. Il ouvrit simplement de grands yeux sans oser avancer car, en face de lui, sur une petite estrade, une très belle fille relevait d’une main la masse noire de ses cheveux comme si elle allait entrer dans son bain. Toutefois, ce n’était pas sa présence qui surprenait à ce point le Français mais le fait qu’elle était absolument nue, d’une nudité ravissante ainsi qu’il avait pu s’en rendre compte au premier coup d’œil.
    — Voici Micaela, commenta le peintre en français. Jolie, n’est-ce pas ? Je parle du corps car le visage ne correspond malheureusement pas…
    — Très ! approuva Gilles dont les yeux rencontrèrent soudain ceux de la jeune femme. Il y vit passer une courte flamme de gaieté malicieuse, comme si elle se moquait de son visible embarras. Mais, ajouta-t-il tandis que son regard glissait vers la toile commencée, j’ignorais quel genre de travail tu accomplissais ici. Ceci ne ressemble guère…
    — À mes cartons de tapisseries, à mes fêtes champêtres, à tous ces aimables tableaux que se doit d’exécuter un peintre de la Cour ? Je l’espère bien ! Je ne suis pas fait pour la grâce, amigo mío  ; je suis fait pour l’ardeur, pour faire craquer et saigner la vie sous mes dents comme une tomate juteuse, pour peindre tout ce qui bouge, flambe et rampe au fond de l’âme des hommes, les fantasmes comme les extases, la boue comme la plus pure lumière !
    Pensif, Gilles contemplait le portrait de Micaela. Peu accoutumé à juger une peinture, il avait aimé d’instinct ce que faisait son ami, sentant qu’il était un grand peintre avec autant de certitude et de naturel qu’il avait foi en Dieu. Mais ceci le dépassait. En entrant dans l’atelier il n’avait vu qu’une belle fille dévêtue mais, sur la toile, Micaela se muait en une bacchante impudique et hardie dont chaque pouce de chair, passionnément modelé, était un appel à la volupté. Goya n’avait pas besoin d’avouer avec quelle violence il désirait cette fille : son tableau le criait à crever les tympans…
    La voix du peintre parvint à Gilles comme à travers une brume légère.
    — Tu comprends pourquoi j’ai choisi ce quartier misérable, pourquoi je me terre ici ? Pour peindre ce que j’ai envie de peindre, il me faut me cacher comme un voleur. Personne ne comprendrait… ni ne me pardonnerait. Surtout pas Josefa ni… la Très Sainte Inquisition.
    L’évocation de la señora Goya arracha un sourire à Gilles. Doña Josefa avec ses yeux baissés et son maintien compassé ressemblait à une religieuse déguisée en bourgeoise riche. Elle n’appréciait pas la peinture de son époux. Seuls les portraits conventionnels qu’exécutait son frère, le peintre Bayeu, trouvaient grâce à ses yeux. C’était, selon

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