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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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elle, la seule peinture convenable et elle se fût évanouie d’horreur si elle avait pu pénétrer dans cet atelier qui contenait aussi pas mal d’esquisses dramatiques, voire atroces : une vieille mendiante trop vraie, un cheval éventré perdant ses entrailles sur le sable d’une arène, un condamné à mort agonisant sous le garrot…
    Quant à la Très Sainte Inquisition, elle eût vraisemblablement envoyé sans hésiter l’audacieux artiste au fond de son plus sombre cul de-basse-fosse à l’instant même où, sur la Plaza Mayor, elle faisait un feu de joie de ses peintures.
    De la toile, Gilles revint à son ami qu’il regarda avec curiosité.
    — Qu’y a-t-il au juste au fond de ton cœur, Paco ?
    Le peintre lui offrit le plus enfantin, le plus désarmant de ses sourires avant d’en envoyer le reflet sur la fille.
    — Beaucoup d’amitié pour mes semblables… et plus encore pour toi, hombre … Rhabille-toi, Micaela. C’est fini pour aujourd’hui et je dois maintenant causer avec mon ami.
    Le modèle dûment réintégré dans sa robe et dans son personnage de servante sans éclat, les deux hommes s’installèrent bientôt autour du petit repas qu’elle leur apporta.
    Lorsque Gilles eut fini de se restaurer et de conter son histoire, Goya alla chercher dans un coin un grand pot de faïence rouge et noir contenant de longs cigares qu’il offrit à son ami.
    — En tant qu’homme, tu as eu raison de river son clou à Cayetana d’Albe, dit-il. Mais en tant que fugitif tu as eu tort. Elle avait sans doute le moyen de te faire quitter le pays sans dommage. Comment espères-tu t’en tirer à présent ?
    — Peut-être avec l’aide de François Cabarrus, le banquier. Il possède des entrepôts, des navires, de nombreuses relations avec la Chancellerie. Un faux passeport ne devrait pas être très difficile à obtenir pour lui. Avec cela, un bon déguisement et l’aide de Dieu, je me fais fort de quitter l’Espagne sans trop de peine. Ce n’est certainement pas plus difficile qu’échapper à une tribu indienne dans une forêt.
    — Seulement le señor Cabarrus habite Carabanchel et pour y aller il faut franchir les portes et, comme elles sont en général bien gardées, je ne vois pas comment tu pourrais faire. Par contre, moi, je peux y aller sans difficulté.
    — Tu ferais cela pour moi ?
    Goya haussa les épaules.
    — Croirait-on pas qu’il s’agit d’un exploit ? Une simple promenade jusqu’à Carabanchel. Personne ne me soupçonne, moi… Au fait, ton ami le Gascon sait-il ce qui t’arrive ?
    — Non. Aller chez lui c’était risquer de me faire prendre. On m’y cherchera tout naturellement. Pourtant, j’aurais bien aimé lui demander un peu d’argent : je n’ai pas un maravédis.
    — J’y passerai aussi, ne t’inquiète pas…
    — Mais, Paco, ton travail ?
    Le peintre ne l’écoutait pas. Il était déjà en train de faire passer par-dessus sa tête sa blouse bariolée de peinture. Quand son crâne hirsute émergea des plis neigeux d’une chemise fraîchement repassée, il déclara paisiblement :
    — Mon travail peut attendre. Micaela aussi ! En mon absence elle aura suffisamment à faire avec sa vaisselle en retard et la garde d’une maison que tu peux considérer comme la tienne. Bois, mange, dors ! Tu es chez toi… Tu auras sans doute besoin de tes forces avant peu.
    Goya revint à la nuit close. La porte, en se refermant, réveilla Gilles qui s’était endormi sur le divan et se redressa en sursaut. À la lumière jaune du chandelier qu’il tenait, le visage de Goya apparut creusé de plis soucieux, plus tourmenté que jamais.
    — Alors ? demanda Gilles.
    Le peintre haussa les épaules, rejetant le grand manteau noir et le sombrero dont il s’était recouvert. La chaleur était tombée avec le jour et, au-dehors, la nuit balayée par le vent de la sierra était froide.
    — J’ai couru partout sans parvenir à trouver ton ami, dit-il enfin. Je l’ai cherché dans les tavernes, les maisons de jeu et jusque chez la Benavente où on l’a vu beaucoup ces derniers temps. Chez lui il n’y avait personne mais sa logeuse, en revenant du salut, m’a appris que les Dragons de Numancia étaient partis hier soir pour Salamanque où les étudiants s’agitent.
    Gilles fit la grimace.
    — On dirait que mes chances s’amenuisent…
    — Plus encore que tu ne l’imagines. Je pensais aller chez tes amis Cabarrus mais, cette nuit, c’est

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