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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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monta aux joues de la jeune femme :
    — Goya ! L’ami, le peintre favori de la Benavente… Et c’est chez lui que vous prétendez aller ?
    — Mais oui. Il est mon ami, Madame. C’est un homme droit, loyal, courageux. Je sais que vous ne l’aimez pas. Pourtant, vous devriez essayer de vous l’attacher car c’est un grand artiste, le plus grand peintre que l’Espagne ait produit depuis bien longtemps.
    — Ses œuvres ne me sont pas apparues si éblouissantes, fit Cayetana avec une moue légère. Mais c’est en effet un homme courageux et… un bon matador. Je l’ai vu combattre une fois et j’ai trouvé qu’il y avait une ressemblance entre lui et le taureau. Eh bien, soit, allez chez lui si vous y tenez, mais un bon conseil : reprenez votre livrée et laissez sur votre cheval le tapis de selle à mes armes. Cela vous protégera un peu. Demain je vous enverrai votre serviteur et l’autre cheval sous un déguisement. Ce sera plus prudent. Au revoir, chevalier…
    Il revint vers elle, mit un genou en terre pour baiser la main qu’elle lui offrait.
    — Adieu, Excellence. J’emporterai le souvenir de votre bonté… et un immense regret que les choses ne soient point autres que ce qu’elles sont !
    D’un geste charmant, elle porta à sa joue la main qu’il venait de baiser.
    — J’ai dit « au revoir », chevalier… pas adieu ! Nous nous reverrons.
    — S’il plaît à Dieu !
    — Puisqu’il me plaît, à moi, il faudra bien qu’il lui plaise, à lui…
     
    Après les splendeurs du palais d’Albe, Tournemine s’enfonça avec une sorte de soulagement dans le dédale des « barrios bajos », les « quartiers bas ». Certes, l’odeur de l’oranger en fleur et des parfums français faisait place aux relents de l’oignon frit, du vin épais et des corps mal lavés mais la foule des filles aux cheveux luisant d’huile tordus autour d’un œillet, des gamins insolents et dépenaillés, des vieilles drapées de châles noirs marbrés de poussière, des Gitans efflanqués à l’œil sournois reculait au fond des temps les fastes d’Aranjuez et le danger parfumé de ses jardins. La livrée d’Albe était d’ailleurs un bon passeport. On la respectait autant que l’on aimait la fantasque duchesse et le flot épais qui coulait vers les rives du Manzanarès se faisait amical pour laisser place à celui que l’on prenait pour l’un de ses serviteurs.
    Ce fut donc sans le moindre incident que Gilles gagna l’étroite place pavoisée de guirlandes de linge, sur laquelle ouvrait la maison que le peintre avait élue pour jardin secret. Il ne lui restait plus qu’à espérer qu’il y serait mais l’approche de la Pradera, dont les liesses populaires devaient se dérouler à proximité dès le lendemain, permettait tous les espoirs.
    Assis à même la pierre du seuil un petit mendiant, qui avait l’air tout juste descendu d’une toile de Murillo, caressait un petit chat en fredonnant la tonadilla qu’un guitariste invisible faisait entendre par la porte ouverte d’une taverne voisine.
    —  Está el señor Goya aquí ? demanda Gilles en glissant une piécette dans la main de l’enfant.
    —  Sí, caballero ! …
    Le marteau de la porte résonna plusieurs fois. Le peintre était là, en effet, mais il devait travailler car la porte fut longue à s’entrouvrir sur sa figure basanée et son œil méfiant.
    — C’est moi, Paco, souffla Gilles. Ouvre vite, il ne fait pas bon pour moi rester dehors.
    Mais le battant était déjà ouvert en grand et la poigne vigoureuse de l’artiste tirait tout à la fois le jeune homme et le cheval qu’il tenait par la bride pour les faire pénétrer dans la petite cour intérieure inondée de soleil où, sur un mur, un gros chat roux faisait la sieste.
    — Comme te voilà accoutré ! s’exclama Goya en considérant son ami avec stupeur. Te voilà au service de l’Albe maintenant ?
    — Donne-moi un verre de vin frais et je te dirai tout. Mais peux-tu me garder ici un jour ou deux ?
    — Ah !… Tu en es déjà là ?
    — Toi qui écoutes si attentivement les mendiants aveugles, est-ce que tu ne le sais pas ?
    Goya montra sa blouse et sa culotte abondamment maculées de peinture plus ou moins fraîche. Il en avait jusque dans les cheveux.
    — Voilà deux jours et deux nuits que je travaille enfermé ici. Je ne comptais sortir que demain, pour la Pradera. Mais, bien sûr, je te garderai aussi longtemps que tu le

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