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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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n’aimait pas que l’on disposât de lui, même pour lui sauver la vie et s’il avait désiré la belle maja, Dieu sait avec quelle ardeur, il n’était aucunement disposé à devenir l’amant de l’impérieuse Cayetana.
    Madrid s’ouvrit comme la mer sous l’étrave d’un bateau devant les chevaux écumants de la duchesse d’Albe. C’était l’heure des vêpres. En dépit de la chaleur encore forte, la ville était animée. Toute une population occupait les petites rues mal tracées, bossuées de pavés inégaux et cabriolant de colline en colline entre les blancs cubes hermétiques des maisons basses aux étroites ouvertures défendues de barreaux, aux épaisses portes de bois sombre. De loin en loin la masse encore féodale d’un vieux palais s’adoucissait à la verdure brillante d’un jardin. Les murs patinés par le temps s’enlevaient avec la vigueur d’un dessin à la plume sur la blancheur sans cesse renouvelée des demeures paysannes.
    Le carrosse traça son chemin sans ralentir un instant son allure, semant la terreur parmi le peuple des poules, des oies, des chiens et des chats qui encombraient la chaussée presque autant que les passants, et gagna les quartiers plus aérés de l’est. Il franchit une grille, monta une rampe aboutissant à une fière façade de pierres neuves puis s’arrêta devant une immense porte qui s’ouvrit, comme par magie, découvrant la silhouette sombre d’un majordome, une armée de laquais et les courbes nobles d’un grand escalier. Mais déjà la duchesse avait elle-même ouvert la portière et, sautant à terre, s’élançait vers l’escalier, non sans avoir, d’un geste, ordonné à Gilles de la suivre.
    Il eut à peine le temps de jeter la bride de son cheval à Pongo qui le suivait. Elle était déjà à mi-chemin de l’escalier après avoir, au passage, lancé un ordre à son majordome qui s’inclina et chassé d’un geste désinvolte l’escouade de caméristes qui s’empressait vers elle.
    Rapide et légère, elle s’engouffra dans une longue galerie où d’admirables tableaux flamands alternaient avec des tapisseries françaises. Une porte s’ouvrit sous sa main découvrant une petite pièce toute en rocaille d’or et soie vert d’eau où le soleil, filtré par les jalousies baissées, mettait les ombres glauques d’une grotte marine.
    Arrivée là, Cayetana ôta les épingles qui retenaient son chapeau, secoua la masse bouclée de ses cheveux qui doubla de volume, alla remplir deux verres à un cabaret d’écaille blonde posé sur une console, en offrit un à son hôte et se laissant finalement tomber sur un délicat fauteuil crapaud qui protesta :
    — Vous voilà en sûreté, chevalier, soupira-t-elle. Causons, maintenant, tandis que l’on vous prépare un appartement. Et d’abord, asseyez-vous ! Ou vous êtes trop grand ou la pièce est trop petite, mais vous l’emplissez.
    Gilles commença par vider son verre. La route lui avait paru interminable. Il avait soif et ce vin d’Alicante était excellent. Puis, sans autre préambule :
    — Est-il bien nécessaire de préparer un appartement ? Vous m’avez permis, Excellence, d’entrer dans Madrid sans tomber aux mains des alguazils et je vous en suis profondément reconnaissant… Mais je n’ai pas l’intention de vous encombrer longtemps…
    — Où voulez-vous donc aller ? Ne vous ai-je pas dit que dans ma maison vous n’auriez plus rien à craindre ?
    — Je n’en doute pas un seul instant. Mais je suis soldat, Madame, et la vie d’un soldat n’est pas de celles qu’il faille protéger de la crainte. Puisque, à présent, on me recherche je désire rentrer immédiatement en France, d’où je ne suis qu’en congé, pour y reprendre mon service.
    — Qu’êtes-vous en France ?
    — Lieutenant aux Dragons de la Reine. J’aurais dû y rester car, en vérité, rien ne vaut le service du roi légitime.
    — Si vous le pensez, pourquoi être venu ici ? Que veniez-vous chercher en Espagne ?
    Gilles se mit à rire :
    — Ma réponse va sans doute me perdre de réputation à vos yeux, Madame la Duchesse : je cherchais de l’or.
    Ainsi qu’il l’avait prédit, un dédain léger, poli, incurva les lèvres de Cayetana.
    — De l’or ? Pour quoi faire ?
    La naïveté de la question amusa Gilles. Depuis des siècles les trésors de Flandres, d’Espagne et des Amériques se déversaient dans le coffre des ducs d’Albe et leur descendante, trop

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