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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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nos gloires américaines qui laissent bien loin les plus brillants commandements. Ah ! oui, je suis heureux… mais pas autrement surpris. J’aurais juré que l’Espagne ne te conviendrait pas longtemps. Cette Cour empesée et bigote, traînant l’ennui comme un dragon son sabre, après les forêts de Virginie, cela ne pouvait pas te convenir !
    — Je crois plutôt que c’est moi qui ne lui conviens pas, mon général. Et avec votre permission, laissez-moi vous dire que vous devriez attendre le récit de mes aventures avant de faire sauter les bouchons de champagne.
    — Attendre ? Et pourquoi s’il te plaît ? Le champagne est comme les jolies femmes : il ne faut jamais le faire attendre, sinon il ne vaut plus rien.
    — Parce que vous n’aurez peut-être plus envie de trinquer avec un condamné à mort en fuite. Je suis poursuivi à la fois par la police royale et par l’Inquisition.
    Le visage balafré du héros de la guerre d’Indépendance ne marqua d’autre surprise plus intense qu’un léger haussement de sourcils. Pour toute réponse, il pêcha lui-même une bouteille noire dans le rafraîchissoir, la déboucha, emplit deux flûtes translucides et tendit l’une à son visiteur.
    — Quand es-tu arrivé ?
    — Il y a deux ou trois heures.
    — Alors commence par boire, cela te donnera du cœur à l’ouvrage pour me raconter ton histoire. D’ailleurs, si tu avais quelque chose de grave à te reprocher, tu te serais bien gardé de venir me le raconter. Si tu es là c’est que c’est l’Espagne qui a tort. Quant à leur Inquisition, cette institution barbare qui cache ses instincts sanguinaires sous le manteau du Christ… je préfère ne pas te dire ce que j’en pense. Bois et raconte !
    Ainsi encouragé, Gilles fit, de son aventure, un récit aussi sincère, aussi scrupuleux qu’il eût pu le faire au confessionnal. L’homme qui lui faisait face lui inspirait une telle confiance et un respect si proche de la vénération qu’il était prêt à accepter sans un murmure sa sentence quelle qu’elle fût.
    Rochambeau l’écouta dans un silence et une impassibilité parfaits bien que, par deux fois, Gilles eût cru voir l’ombre d’un sourire glisser sur ses lèvres et quand ce fut fini, il n’exprima pas davantage son opinion, se contentant de se lever, d’aller jusqu’à la cheminée et de tirer le cordon de soie qui pendait le long du trumeau pour faire apparaître un valet.
    — Mes chevaux et ma voiture ! commanda le général. Nous allons à Versailles.
    Puis, comme Gilles l’interrogeait des yeux sans comprendre :
    — Mais oui, toi aussi ! Je t’emmène chez le Roi. Tu as tout juste de temps de boire un dernier verre tandis que l’on attelle.
    — Chez le Roi ? balbutia Gilles abasourdi. Mais, mon général…
    — Bien sûr chez le Roi ! Il n’y a que lui qui puisse débrouiller cela. Ton affaire est grave, inutile de se le dissimuler : coucher avec une future reine d’Espagne, cela relève de la lèse-majesté. Mais moi, je n’ai nullement l’intention de laisser au comte d’Aranda, le remuant ambassadeur de Sa Majesté Très Catholique, le temps de réclamer la tête d’un de mes hommes au nom du Pacte de Famille.
    Tout en parlant il remplissait de nouveau la flûte du chevalier qui l’avala d’un trait, en homme qui a besoin de se remettre.
    — Et, fit-il après une toute légère hésitation, vous avez l’intention de… tout dire à Sa Majesté ?
    — Tout ! Le Roi n’est pas très porté sur les choses de l’amour. Il est de mœurs austères avec un grand sens de l’honneur et de la famille mais, ce qui est plus rare chez un roi, il a un cœur et ce cœur est bon, juste et généreux. En outre, il sait apprécier la franchise. Enfin si tu es coupable de lèse-majesté c’est bien, j’imagine, à ton corps défendant… si je peux m’exprimer ainsi ! Tu es prêt ?
    Gilles salua avec un respect chaudement teinté d’affection.
    — Il y a longtemps, mon général, que j’ai choisi de vous suivre là où vous décideriez de me conduire, fût-ce en enfer !
    — Tu n’auras pas à aller si loin… Et si le Roi ne veut rien entendre, il restera toujours la solution de t’emmener à Calais dans mes bagages !…
    Son regard qui faisait le tour de la pièce à la recherche d’une canne qui se trouvait en définitive posée sur une console, s’arrêta soudain sur un petit secrétaire de bois précieux hissé sur des pieds

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