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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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fragiles puis revint se poser, critique, sur le jeune homme.
    — Il te manque quelque chose, marmotta-t-il, quelque chose que j’avais le sentiment d’oublier…
    Il marcha à grands pas vers le petit secrétaire, l’ouvrit et y prit une boîte de maroquin bleu sombre qu’il garda un moment entre ses mains sans lever le couvercle.
    — Voici un an, dit-il avec un rien de solennité dans la voix, en mai 1783, les officiers de l’armée américaine se sont associés et constitués en une société d’amis qui doit vivre aussi longtemps qu’eux-mêmes ou que l’aîné de leur postérité mâle ou, à défaut de celle-ci, celui des branches collatérales qui sera jugé digne d’en devenir membre. Parce qu’ils étaient partis de la vie civile et revenus à la vie civile ils ont choisi pour les représenter le nom de l’illustre Romain Lucius Quintus Cincinnatus, le laboureur revenu à sa charrue après avoir sauvé Rome, et ils ont pris le nom de Société des Cincinnati.
    « Cela fait, étant désireux de rendre hommage à leur compagnons d’armes français, ils ont décidé d’admettre comme membres de la Société, outre les ministres plénipotentiaires de chez nous, nos amiraux, capitaines de vaisseau, généraux et colonels.
    « Le Roi a donné sa gracieuse permission pour que soit constituée la section française au mois de janvier passé et la première réunion, sous la présidence de l’amiral d’Estaing, a eu lieu dans la maison où nous sommes…
    — Pourquoi d’Estaing ? coupa Gilles scandalisé. N’avez-vous pas fait cent fois plus que lui pour la cause américaine ?
    — Ce n’est ni ton affaire ni la mienne ! Et ne m’interromps pas s’il te plaît ! nous sommes pressés… Je reprends : à cette réunion tu étais absent, bien sûr, et, en principe, n’ayant jamais eu le grade de colonel tu ne devrais pas avoir droit d’entrée chez les Cincinnati ; mais il nous est apparu à tous, comme il était d’ailleurs apparu au général Washington qui nous en a écrit, que le Gerfaut avait bien mérité de porter l’aigle d’or.
    Sous les yeux du jeune homme soudain pâle d’émotion, Rochambeau ouvrit le coffret découvrant une curieuse décoration : le bald-eagle, l’aigle chauve d’Amérique mais en or massif et suspendu à un ruban bleu qu’il prit entre deux doigts et agrafa rapidement sur l’uniforme soudain tendu à craquer de l’officier.
    — Par permission spéciale de Son Excellence le président des États-Unis d’Amérique, général George Washington et de Sa Majesté Louis, seizième du nom, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, vous êtes désormais membre de la Société des Cincinnati , chevalier de Tournemine de La Hunaudaye. Votre fils le sera après vous et les fils de vos fils après lui. Je souhaite qu’ils sachent, autant que vous, en être dignes…
    À la mode américaine, Rochambeau serra vigoureusement la main de son ancien secrétaire qui avait bien du mal à retenir ses larmes puis, virant brusquement sur ses talons pour chasser l’émotion qui le gagnait :
    — Holà, Poitevin ! Mon chapeau, mes gants ! nous partons…
    Deux heures plus tard, introduit par un gentilhomme de la Porte, Gilles pénétrait, derrière le large dos de son général, dans la bibliothèque du Roi, au premier étage du palais de Versailles, et s’inclinait devant l’homme d’à peine trente ans 3 qu’il se reconnaissait pour maître.
    Le Roi était d’excellente humeur. Il revenait de la chasse à Marly et la chasse avait été bonne, comme elle l’était souvent d’ailleurs pour ce veneur passionné. Autrement dit, comme le Roi chassait tous les jours, il était dans son humeur habituelle.
    Encore botté, vêtu d’un habit de drap gris fer sans autre ornement que l’éclatante blancheur du jabot et des manchettes et qui avait l’avantage de dissimuler un peu une obésité déjà prononcée, il se tenait debout au milieu de la vaste pièce aux boiseries blanc et or largement éclairée, qui avait été jadis le salon de Jeux de son aïeul Louis XV et que, en roi savant, ami de l’étude, il avait converti en une imposante bibliothèque où s’entassaient les ouvrages les plus sérieux. Auprès de lui, sur une table, un grand plan de Paris était étalé auprès de quelques maquettes de bâtiments.
    — Ah ! Monsieur de Rochambeau ! s’écria le Roi coupant court aux excuses que lui présentait le visiteur pour

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