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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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les rubans argentés du flot. Dans le petit port, les barques étaient couchées sous les flèches penchées de leurs mâts. Debout au bord des sables, près d’une touffe de fétuques, Pongo regardait l’eau avec méfiance.
    — À quoi penses-tu ? demanda Gilles qui venait d’enfourcher Merlin avec la joie profonde d’un homme qui retrouve un ami perdu depuis longtemps.
    L’Indien fit la grimace.
    — Sables ! Pas bon !… Mortels peut-être !
    — Tu crains que nous ne trouvions des sables mouvants ? Regarde là-bas, un peu plus haut. Il y a des oiseaux de mer sur ce banc de sable. Là, nous n’aurons rien à craindre si ce n’est peut-être le courant, rapide à cet endroit. Mais en face, ces petites lumières, c’est la France. C’est chez moi. Nous avons assez vécu avec des femmes, tu ne crois pas ?
    Les grandes incisives de l’Indien brillèrent sous la lune.
    — Femmes pareilles au sable ! Dangereuses…
    Pour toute réponse, Gilles éclata de rire puis, talonnant son cheval, il descendit vers le lit du fleuve…
    1 .  La grande route reliant Madrid à Irún et œuvre du ministre Florida Blanca.
    2 .  La duchesse d’Albe descendait en effet de ce bâtard du roi Jacques II d’Angleterre. Ce titre ducal appartenait depuis 1707 aux ducs d’Albe.
    3 .  Cocher.

DEUXIÈME PARTIE
    LE SORCIER
    1784

CHAPITRE V
    LE GERFAUT DU ROI
    Dix jours plus tard, Gilles, Pongo et Merlin, escortant la voiture des dames Cabarrus, revoyaient Paris à la fin d’une belle matinée d’un printemps déjà estival et gagnaient l’île Saint-Louis où les voyageuses devaient prendre logis dans l’hôtel de l’aimable M. de Boisgeloup.
    Ce fut pour y essuyer une déception : l’aimable M. de Boisgeloup était mort quelques jours plus tôt, enterré de l’avant-veille et sa veuve, inconsolable au dire du majordome, les reçut avec un visage tellement délavé par les larmes au fond de ses draperies funèbres qu’Antoinette, n’osant s’installer au milieu d’un deuil aussi spectaculaire, gratifia Mme de Boisgeloup d’une honnête ration de paroles de circonstance, l’assura de la part profonde qu’elle prenait à son malheur et, en réponse à la très molle invitation qu’on lui fit de demeurer malgré tout, pria son hôtesse de bien vouloir lui indiquer une maison meublée digne de recevoir l’épouse et les enfants du plus puissant banquier d’Espagne.
    D’un air un peu égaré car ses pensées n’étaient visiblement pas tournées vers la géographie hôtelière parisienne, Mme de Boisgeloup en indiqua une, située dans le quartier Saint-Eustache et « fort propre à ce que l’on disait ». Ainsi renseignée, Antoinette remercia gracieusement, jura de faire dire un « trentin » de messes pour l’âme enfuie de feu l’ami de son époux, fit une belle révérence et remontant dans sa voiture abondamment crottée, repartit avec tout son monde à la grande déception de son fils Dominique, séduit par les beaux arbres et l’eau ensoleillée de la Seine qui coulait devant l’hôtel.
    — Puisque cette dame offrait de nous garder, quel besoin avons-nous de chercher ailleurs ? Nous sommes fatigués et sales. Regardez Thérésita, c’est tout juste si elle peut ouvrir les yeux.
    — Peut-être, riposta la fillette, mais je n’ai aucune envie de les ouvrir sur une chambre mortuaire. Mère a eu tout à fait raison : nous ne sommes pas venus à Paris pour pleurer. Connaissez-vous l’endroit où l’on nous envoie, señor Gilles ?
    — Non, dit le jeune homme en souriant, mais il n’aura aucune peine à être plus joyeux que celui-ci.
    En fait, la maison, tenue par une autre veuve, infiniment plus souriante que la première, était charmante avec des appartements agréablement meublés et un joli jardin. Ce fut donc sans la moindre inquiétude que Gilles, laissant ses amis s’installer, les quitta pour aller à ses propres affaires qui, si une plainte le concernant était arrivée à Versailles, émanant du cabinet de Madrid, risquaient de les trouver en assez mauvais état.
    Il se hâta donc de retraverser la Seine, gagna la rue du Colombier 1 pour poser son sac à l’hôtel d’York, où Fersen l’avait installé à son arrivée de Bretagne en espérant qu’il y aurait de la place car c’était, sans contredit, l’une des meilleures maisons de la capitale. Ancienne demeure d’une noble famille bretonne 2 , l’hôtel d’York recevait des clients de marque tel

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