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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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l’incongruité d’une visite impromptue. Venez, venez ! Et surtout ne vous excusez pas : j’ai toujours grand plaisir à vous voir.
    — C’est que… je crains véritablement d’être importun, Sire. Votre Majesté, à ce que je vois, travaillait…
    — Point du tout. Je regardais le travail des autres et ce travail m’apparaissait fort intéressant. Depuis que j’ai créé, l’an passé, la Commission d’Examen de tous les Plans et Projets d’utilité, salubrité et embellissement de Paris 4 , mes architectes s’en donnent à cœur joie et j’avoue que ce qu’ils me proposent ne manque pas d’intérêt. Voyez plutôt : Monsieur Soufflot, qui est contrôleur des Bâtiments pour Paris, propose la percée d’une grande artère est-ouest qui longerait le Louvre et les Tuileries 5 . Quant à Monsieur Patte, il souhaite que l’on transporte les Halles hors de Paris, que l’on supprime l’Hôtel-Dieu car tout cela est générateur d’infections, que l’on dégage l’île de la Cité et que l’on perce une autre grande artère, nord-sud, cette fois, parallèlement à la rue Saint-Jacques 6 . Et que dites-vous de mon idée à moi ? On m’a apporté tout à l’heure cette maquette faite d’après mes dessins.
    Avec une agilité inattendue chez un homme aussi replet, Louis XVI traversa la bibliothèque et prit sur une console une grande maquette représentant une belle place plantée d’arbres ornée, en son centre, d’une magnifique fontaine.
    — La place est belle, fit Rochambeau avec un sourire. La fontaine superbe, mais où donc le Roi pense-t-il faire édifier ces merveilles ?
    — Si je ne vous le dis, vous ne devinerez jamais car, je ne crains pas de l’affirmer, mon idée est révolutionnaire : cette place existera lorsque j’aurai fait démolir la Bastille !
    — La Bastille ? Votre Majesté ne veut pas dire qu’elle songe…
    — Mais si ! J’y songe même beaucoup ! Cette vieille forteresse noire offense ma vue quand je vais à Paris. Elle est laide, hors d’âge ! Je ne suis pas un roi médiéval, que diable ! En plus, elle obstrue toute la rue Saint-Antoine… et puis elle ne sert plus à rien… ou si peu. Il y a bien assez d’autres prisons pour les coquins de Paris. Quant aux lettres de cachet, je les ai en horreur. Alors, qu’en dites-vous ?
    Rochambeau s’inclina.
    — Que le Roi est un père pour son peuple, ce dont je n’ai jamais douté… et que voici, en tout cas, un garçon qui ne pourrait qu’applaudir des deux mains à la destruction de la prison d’État.
    Le sourire qui illuminait le visage plein du Roi s’effaça. Il reposa la grande maquette avec une sorte de regret puis, lentement, les mains nouées derrière son dos, il alla vers sa table de travail mais ne s’assit pas. Quand il se retourna, Gilles, soudain inquiet, vit qu’il s’était métamorphosé : ce n’était plus le gentilhomme aimable, l’homme de science qu’il avait en face de lui, c’était bien le Roi, tout empreint d’une majesté qu’en dépit de ses détracteurs, Louis XVI savait parfaitement revêtir quand il le fallait.
    — Qu’est-ce à dire ? fit-il. En quoi ce jeune homme peut-il encourir la Bastille ? C’est l’un de vos soldats, j’imagine, si j’en crois la décoration que je vois briller sur sa poitrine. Votre nom, Monsieur ?
    Gilles rectifia la position :
    — Chevalier de Tournemine de La Hunaudaye, Sire ! Lieutenant en disponibilité aux Dragons de la Reine.
    — En disponibilité ? Pourquoi ?
    — S’il plaît au Roi, j’avais obtenu permission de prendre du service en Espagne. J’étais, tout récemment encore, sous-brigadier aux Gardes du Corps de Sa Majesté Très Catholique.
    — Il ne me plaît guère ! Je n’aime pas beaucoup que mes soldats s’en aillent servir sous d’autres drapeaux. Morbleu, Monsieur, avez-vous la bougeotte ? Après l’Amérique, l’Espagne ? La France ne vous semble-t-elle pas bonne à servir ?… Au fait, je vous ai déjà vu, il me semble ?
    — J’ai eu l’honneur d’être présenté au Roi par Monsieur le duc de Lauzun, à l’occasion de la victoire de Yorktown que nous avions été chargés d’annoncer à Votre Majesté.
    La figure du Roi s’éclaira légèrement.
    — J’y suis ! Vous êtes le compagnon d’armes du marquis de La Fayette, le coureur des bois, l’homme habitué à combattre à la mode indienne. Vous portiez même un nom d’oiseau, il me

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