Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
terre altérée comme les larmes soulagent un cœur trop longtemps contraint. Il ouvrit une boîte d’argent encastrée dans la paroi du carrosse, y choisit l’un de ces cigares dont il avait pris l’habitude en Amérique, en offrit un à son jeune compagnon puis battit le briquet et alluma les deux cylindres brun clair dont l’arôme parfumé emplit instantanément l’espace réduit.
    — Au cours de l’Histoire, dit-il, la ressemblance est apparue bien souvent. Il n’y a pas de frère qui tienne lorsqu’il s’agit de la Couronne. Rappelez-vous Gaston d’Orléans, conspirant inlassablement contre Louis XIII , son frère. Combien de têtes sont tombées durant cette recherche obstinée d’un trône auquel il n’avait alors aucun droit ! Le prince abandonnait ses amis, demandait son pardon… et recommençait. Rappelez-vous François d’Alençon complotant contre Henri III. Les rois, bien souvent, n’ont pas eu de pires ennemis que leurs propres frères. Monsieur n’échappe pas à la règle mais se cache avec plus de soin car il est, lui, il faut bien l’admettre, redoutablement intelligent… bien plus que notre bon roi. Et, par malheur, il en a très nettement conscience.
    — Comment espère-t-il obtenir le pouvoir, maintenant que le Roi a donné un héritier au royaume ? En fomentant une révolution ?…
    — Je vous ai dit qu’il était intelligent. Que Louis XVI soit déchu, pour incapacité par exemple… ou qu’il meure, et Monsieur devient Régent durant la minorité de son neveu.
    — Pourquoi lui ? Pourquoi pas la Reine ?
    — Elle s’est fait trop d’ennemis dans la haute noblesse et, en outre, elle devient impopulaire. Non, ce serait Monsieur. Et c’est long d’élever un futur roi. Difficile aussi quelquefois !
    — Vous n’imaginez pas tout de même…
    — Avec Monsieur, on peut tout imaginer ! Son corps est épais mais son esprit est fin, subtil, rusé. Quant à son cœur, s’il en a un, ce dont je doute fort, il est si bien caché qu’il a dû lui-même oublier où il se trouve…
    « Voyez-vous, Monsieur tisse sa toile dans l’ombre avec l’aide tacite de tous les grands du royaume qui, depuis Louis XIV, rêvent de féodalité et fondent en lui leurs espoirs. Chaque fois qu’il advient au Roi un mécompte, un souci, une douleur, soyez certain que Monsieur n’est pas loin. Il est à la fois vautour et serpent…
    — Mais enfin, il est homme aussi j’imagine et il n’est pas d’homme si noir soit-il chez qui ne se trouve un coin même tout petit de ciel bleu.
    — Que vous êtes jeune ! Et voilà où vous vous trompez ; Monseigneur de Provence n’est pas un homme au sens où vous l’entendez parce qu’il est à peu près impuissant. Au point que sa femme, la princesse Marie-Joséphine, en est réduite à s’initier aux charmes discrets de Lesbos avec sa lectrice, Madame de Gourbillon. C’est un cerveau !
    — N’ai-je pas entendu dire, cependant, qu’il avait une maîtresse ?
    — Si fait. Mais c’est, je crois bien, une maîtresse selon l’esprit. La jeune comtesse de Balbi en possède une dose quasi diabolique et elle en joue en virtuose. Ses mots cruels et ses reparties enchantent Monsieur qui les apprécie en connaisseur. En outre, elle est plus qu’agréable à regarder alors que Madame est laide. Cela suffit pour qu’elle règne en maîtresse au Luxembourg, en rêvant parfois elle aussi d’un règne sur Versailles…
    La main de Rochambeau s’abattit soudain sur l’épaule du jeune homme qu’elle serra fortement comme si elle cherchait à lui communiquer la conviction de son maître.
    — Servez le Roi, mon ami, défendez-le, aimez-le, vous ne rencontrerez guère la foule de ce côté. Ses gentilshommes lui reprochent ses goûts bourgeois, son amour de la science et du travail manuel… son indécision aussi bien souvent. Le vrai pouvoir est entre les mains de la Reine à qui son époux ne sait rien refuser. Quant aux « entours » de la Reine, ils se moquent du Roi presque ouvertement.
    — Et la Reine tolère cela ?
    — Elle l’ignore le plus souvent mais elle est prisonnière de sa coterie écervelée de perruches et de courtisans, les Polignac, les Vaudreuil, les Besenval avec qui elle mène une vie de fêtes perpétuelles et qui l’isolent à la fois de la Cour, laquelle ronge son frein aux portes de Trianon où elle n’a pas accès, et du peuple qui paie les fabuleuses pensions de tous ces gens et qui

Weitere Kostenlose Bücher