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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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Trianon.
    Pourtant, en regardant le roi Gustave, petit blond de trente-huit ans à la carrure vigoureuse, au grand front intelligent et aux yeux d’azur clair mais aux jambes trop courtes et sans véritable beauté, Gilles ne pouvait s’empêcher de songer – et cela gâtait son plaisir depuis le début de la soirée – que ce n’était pas lui le véritable héros de la soirée mais bien le beau gentilhomme qui se tenait debout derrière lui, magnifique dans son habit de velours blanc givré d’argent et vers lequel, si souvent, se tournait le regard de la Reine : son ami Axel de Fersen.
    Oh ! ce regard ! le Garde du Corps un peu plus inquiet chaque fois qu’il revenait, en venait à se demander si la magie de cette douce nuit d’été n’agissait pas sur son jugement et ne l’incitait pas à imaginer des folies. Car enfin, il était inconcevable qu’une reine de France regardât ainsi un jeune étranger alors même qu’auprès d’elle se tenait l’homme bon, paisible et simple qui partageait avec elle sa couronne et son lit. Se pouvait-il que Marie-Antoinette en fût venue à rendre l’amour passionné dont Tournemine savait trop qu’il emplissait la vie et le cœur de Fersen ?
    À cette minute même, tandis qu’elle quittait son fauteuil dans le gracieux balancement de ses « paniers » de satin nacré brodé de grands lys d’eau argentés aux cœurs de perles, tandis qu’elle acceptait la main offerte par le comte de Haga pour la mener souper, c’était encore à Fersen que retournait son regard bleu, furtif et caressant avec cette légère inquiétude des gens qui aiment et qui craignent toujours de voir l’être aimé s’évanouir dans les brumes du soir. C’était vers lui aussi que s’inclinaient, imperceptiblement, dans une invite à les suivre, la belle tête couronnée d’aigrettes et le long cou gracieux de la Reine.
    Marie-Antoinette était royalement belle, ce soir, et surtout elle semblait heureuse, plus heureuse qu’elle ne l’avait jamais paru aux yeux du jeune chevalier auquel elle avait toujours montré tant de grâce, plus heureuse même qu’au moment où elle venait de connaître les joies du triomphe en donnant un Dauphin à la France. Beauté de reine, sans doute, magnifiée par l’apparat, la parure et l’atmosphère irréelle qui l’environnait, mais beauté de femme aussi et la plus émouvante de toutes : celle de la femme au plein de l’épanouissement, celle que, seul, peut donner l’amour partagé…
    Et Gilles, assombri, ne savait plus très bien s’il devait se réjouir du bonheur dangereux, aux limites du vertige, qui arrivait à son ami ou s’inquiéter du mal que l’amour de la Reine pour Fersen risquait de faire au Roi.
    Les sentiments que Louis XVI portait à son épouse n’étaient un secret pour personne. C’était un amour sans éclat, sans romantisme peut-être mais profond, sincère, où entraient l’humilité, due aux sept années où, à cause d’un empêchement physique, l’union du couple s’était révélée incomplète et décevante, et une sorte d’éblouissement depuis que cette princesse ravissante, devenue réellement sa femme, lui avait donné des enfants. Et la dévotion qu’il lui portait en était venue à un tel point qu’il ne savait plus rien lui refuser, pas même, hélas, les ingérences les plus inconsidérées dans les affaires du Royaume…
    Et Gilles qui se voulait gardien de la vie, de l’honneur et de la grandeur de son roi ne pouvait s’empêcher de trouver amer que le premier ennemi qu’il devinât fût l’un des hommes qu’il aimât le plus au monde.
    Se méfiant, toutefois, de son imagination bretonne, il s’efforça de secouer l’espèce de malaise qui s’était emparé de lui et suivit, dans les jardins illuminés, l’élégante foule des spectateurs. Son service, ce soir, était des plus simples car, si la Reine avait naturellement autorisé la présence des Gardes du Corps, il leur avait été interdit de monter une faction quelconque et ils devaient s’efforcer de rendre leur surveillance des personnes royales aussi discrète que possible. Étant officier d’ailleurs, Tournemine avait rang d’invité plus que de gardien.
    Lorsque Fersen, littéralement collé aux basques du comte de Haga, passa auprès de lui, il tenta de le retenir un instant mais le comte ne lui offrit qu’un sourire incertain et le regard vaguement halluciné d’un dormeur éveillé avant de se jeter, avec

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