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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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portant la main à son gilet, et vous remercier de vos soins.
    — Laissez ! Cela n’en vaut pas la peine. Quant à me remercier… eh bien venez me faire visite un jour. Rien ne me cause plus de joie qu’une bonne conversation avec l’un de mes semblables. Et c’est une joie dont je manque beaucoup depuis que je ne suis plus qu’un médecin comme les autres. J’habite rue du Vieux-Colombier, quartier Saint-Germain-des-Prés, au n o  47…
    — Fort bien, Monsieur ! J’aurai un de ces jours plaisir à vous la donner, fit Gilles en s’inclinant légèrement. Mais me direz-vous qui je dois demander ?
    Le petit homme parut grandir tout à coup de quelques coudées.
    — Je suis le docteur Jean-Paul de Marat 1 , dernier rejeton, né en Suisse, d’une illustre famille espagnole, fit-il avec une emphase qui eût prêté à sourire avec un visage moins dramatique que le sien. Tout à votre service !
    Il salua à son tour puis disparut dans les broussailles du bois aussi prestement qu’un furet. Gilles le regarda s’évanouir dans la nature puis remonta dans la voiture où Lauzun reprenait lentement ses esprits, non sans s’être un instant penché vers le chauffeur.
    — Ramène vite ton maître à l’hôtel de Biron 2 , lui dit-il, mais arrête-moi à la barrière.
    — Je peux aussi bien vous déposer à l’hôtel d’York, mon officier, puisque vous y avez laissé votre cheval…
    — Merci. Mais fais ce que je te dis. Ton maître a besoin de soins urgents. Une voiture de place fera aussi bien l’affaire.
    Tandis que l’agréable route des bords de Seine déroulait son paysage derrière les vitres du carrosse et que le blessé, sous l’influence de la potion offerte par l’étrange docteur, sombrait dans un sommeil déjà réparateur, Gilles se permit quelques instants de détente. Il était satisfait d’avoir paré au plus pressé car il était assuré maintenant que Lauzun ne traînerait pas Fersen sur le pré avant le départ du Suédois pour la Suède et d’autre part il était peu probable que celui-ci, en admettant que l’avertissement donné fût demeuré lettre morte et une fois passé le premier accès de mauvaise humeur, osât se rendre à un rendez-vous d’amour, surtout avec une reine, décoré d’un œil « au beurre noir » et d’un menton enflé. Et quand la voiture l’arrêta, généreusement, passé le pont Louis XVI 3 , le jeune homme s’aperçut qu’il était près de deux heures 4 , qu’il avait grand faim et il décida de s’offrir un bon déjeuner avant d’entamer la seconde partie de son programme du jour : les affaires de Maria-Cayetana et les siennes propres.
    Grâce à Jean de Batz, il connaissait quelques-unes des meilleures tables de Paris. Parmi celles-ci, Tournemine affectionnait particulièrement celle du sieur Hue, passage des Petits-Pères, où, dans un beau salon fleuri capable de contenir près de quatre-vingts personnes, on trouvait d’admirables écrevisses et des matelotes d’anguilles dignes d’éloges. Aussi, passant rapidement à l’hôtel d’York pour récupérer Merlin, se hâta-t-il de repasser la Seine, au Pont-Neuf cette fois, et de gagner les abords du Palais-Royal que la construction des galeries neuves décidées par le duc d’Orléans transformait en un vaste chantier, poussiéreux par temps sec et affreusement boueux par temps de pluie.
    Ce jour-là, le temps était à la poussière et Gilles se sentait le gosier tapissé de bure quand il atteignit la ruelle, encombrée de carrosses, de cabriolets, de chevaux, et de chaises à porteurs où se balançait la belle enseigne peinte et dorée du sieur Hue annonçant que l’on se trouvait là chez le meilleur « restaurateur » de Paris 5 . Mais les odeurs qui emplissaient l’atmosphère auraient réveillé un mort tant elles annonçaient de succulences.
    Il y avait beaucoup de monde sous les lambris pimpants du célèbre « restaurant » : hommes élégants appartenant aux couches les plus huppées de la capitale, magistrats, financiers, officiers aussi, souvent accompagnés de femmes toujours jolies et très parées mais dont les atours un peu trop riches dénonçaient clairement pour la plupart la profession. Quelques-unes même étaient seules et paraissaient chercher un compagnon. Quant aux rares femmes du monde qui s’y mêlaient, elles étaient sans doute de celles qui, suffisamment affranchies de préjugés, trouvaient follement original de jouer l’audace en

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