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Un Dimanche à La Piscine à Kigali

Un Dimanche à La Piscine à Kigali

Titel: Un Dimanche à La Piscine à Kigali Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gil Courtemanche
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transmission de l’origine ethnique au Rwanda, il ne la croyait pas vraiment. Si un anthropologue avait eu besoin d’une photo pour illustrer l’archétype de la femme tutsie, il lui aurait montré celle de Gentille. Si lui, le Blanc qui s’estimait sans préjugé, sans haine préconçue, ne la croyait pas, quel Rwandais prendrait au sérieux ce morceau de carton qui disait le contraire de ce qu’elle montrait avec une telle perfection ? Un amant complaisant et haut placé, un parent ou un fonctionnaire libidineux lui avait certainement procuré de faux papiers. Quant au faux neveu du président qui avait semé cette angoisse en elle, il s’engagea, si jamais il le revoyait, à lui jurer que Gentille était une véritable Hutue. De toute manière, le danger venait de partout. Un Belge mécontent, un Allemand soûl et envoûté, un soldat qui passe par hasard, un fonctionnaire amoureux. Tous, virtuellement, la possédaient et pouvaient la tuer. De plus en plus, à Kigali et encore en province, la vie ne tenait qu’à un mot, à un caprice, à un désir, à un nez trop fin ou à une jambe trop longue.
    Et les jambes, que dévoilait légèrement sa jupe bleue remontée sur ses genoux, elles étaient parfaites ; et les chevilles, douces et graciles. Valcourt promenait lentement ses yeux sur chaque partie de son corps, heureux que la pénombre lui permette de le faire impunément.
    — Tu es gentil avec moi. Tu m’écoutes et tu ne m’as jamais rien demandé. Tu es le seul Blanc qui ne m’ait pas demandé… de… tu sais bien ce que je veux dire. Tu peux rester ici cette nuit si tu veux. Moi, j’aimerais bien.
    Non, elle n’avait pas peur de rester seule. Elle voulait le remercier, et puis, il y avait autre chose, mais elle préférait ne pas en parler maintenant. Le remercier de quoi ? De ce qu’elle venait de dire, de son respect, de ne jamais l’avoir effleurée ou touchée subrepticement. Surtout de ne pas avoir fait comme tous les autres clients qui disent en signant leur addition : « Je serai dans ma chambre toute la soirée » et montrent leur clé pour s’assurer qu’elle mémorise bien le numéro de la chambre.
    — Gentille, je ne suis pas totalement différent des clients de la piscine. Moi aussi, j’ai envie… j’ai envie de toi.
    Valcourt se sentit piégé par sa franchise. Car il était fermement convaincu que, s’il avait une chance de remonter jusqu’au nombril la jupe bleue de Gentille, c’était bien en n’étant pas comme les autres, qui ne se cachaient jamais pour la manger, la sucer du regard, la toucher de la main et de la hanche comme si de rien n’était, la demander et lui offrir un verre, une protection et tout l’argent qu’elle voulait.
    — Tu veux être avec moi ? Tu veux coucher avec moi ? Autant que tous les autres ?
    Voilà. Toutes ses craintes se confirmaient. Elle comprenait tout. Comme tous les autres qu’elle méprisait et fuyait, il la déshabillait, la baisait à chaque regard. Alors, pourquoi ne pas dire toute la vérité ? Pourquoi taire ce qui le tourmentait depuis deux ans qu’il la regardait ?
    Ses seins, sa bouche, son cul (c’est le mot qu’il prononça, certain de heurter sa pudeur), sa peau de café au lait de matin doux, ses yeux, sa timidité, ses jambes sculpturales, sa démarche, son odeur, ses cheveux, sa voix, oui, tout d’elle le rendait un peu fou, même si jamais il n’avait osé l’approcher. Oui, comme tous les autres, il voulait la baiser. Voilà, et il s’en excusait et jurait de ne plus jamais en reparler et il partait maintenant, non seulement en s’excusant, mais en lui demandant pardon. Il se dirigea sans conviction vers la porte.
    Encore une fois, l’odeur le submergea. Paralysé. Une odeur pornographique. Non pas de parfums enjôleurs ou d’épices puissantes et exotiques, mais une sombre odeur de chair, de lourde chevelure et de sexe humide.
    — Moi qui pensais que tu ne m’aimais pas et que tu ne voulais pas de moi. Tu peux me prendre quand tu veux. Je voudrais être aimée par un Blanc gentil comme toi.
    Exactement ce qu’il ne fallait pas dire. Elle voulait le Blanc, un Blanc comme tous les autres. Promesse de richesse, de visa pour l’étranger peut-être ; et si la bonne Sainte Vierge l’exauçait, un mariage avec un Blanc et une maison dans un pays froid, dans un pays propre. Il entendait Raphaël, cet après-midi à la piscine : « N’importe quoi pour quitter ce pays de

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