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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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Français, mais il ressentait la profonde méfiance de Craon, qui se reflétait dans les yeux des autres français de l’escorte, y compris chez l’homme d’un certain âge qu’était Louis, comte d’Évreux. Chaque fois que Corbett prenait la parole, ils se tenaient sur leurs gardes, soupçonneux, quasiment déférents, comme s’ils le redoutaient à l’instar d’animaux craignant un chasseur particulièrement habile.
    Huit jours après avoir quitté Boulogne, ils entrèrent dans Paris ; à cause des foires de cette fin d’été, la capitale grouillait de mendiants, de vagabonds, de colporteurs, d’hommes et de femmes de tous pays, de marchands du Rhin ou de Flandre descendus à Paris pour acheter ou vendre leurs produits. Mais la place du gibet de Montfaucon était déserte en dépit du sinistre spectacle offert par les pendus qui se balançaient aux potences mal équarries et par les malheureux attachés au pilori. Corbett et les émissaires français franchirent la Seine, passèrent devant Notre-Dame et enfilèrent un dédale de rues tortueuses pour atteindre enfin le Louvre.
    Là, Corbett prit respectueusement congé d’Évreux et de Craon, mais ne reçut en retour que peu de remerciements. Puis, Ranulf et Hervey sur ses talons, il suivit un chambellan qui les conduisit à leurs quartiers : trois soupentes exiguës tout en haut du palais – sous les combles, affirma Corbett. Ranulf poussa des cris d’orfraie et incita son maître à protester auprès du chambellan du roi, mais le clerc, après mûre réflexion, décida de n’en rien faire. Il était là en qualité d’émissaire, mais pas au sens où on l’entendait habituellement, et les Français tenteraient à coup sûr de le provoquer à cette nouvelle occasion. C’étaient des maîtres en matière de protocole et d’étiquette de cour, et Corbett eut l’impression qu’ils lui avaient donné cette pièce sordide aux meubles piteux dans l’espoir de le pousser à faire un éclat.
    En outre, les chambres étaient toutes au même étage : il pourrait aller et venir à sa guise en semant les espions que de Craon ne manquerait pas de poster sur son chemin. Corbett donna l’ordre formel à Ranulf et à Hervey de ne pas quitter le palais royal et de lui rapporter immédiatement tout fait ou incident suspect. Hervey eut l’air soulagé, mais Ranulf bouda pendant des heures quand il s’aperçut qu’il lui serait impossible d’aller mener joyeuse vie dans les quartiers chauds de la capitale. Les lupanars de Paris étaient renommés pour leurs ribaudes. Ayant goûté à certaines délices lors de son précédent séjour, Ranulf fut amèrement déçu en apprenant qu’il ne pourrait renouer avec de vieilles connaissances.
    Ils se plièrent à la routine de la Cour. Corbett comprit que les Français ne lui accorderaient une audience officielle que lorsqu’ils le jugeraient bon. Ils allaient chercher de quoi se nourrir à la cuisine et à la laiterie, dînant quelquefois dans la grand- salle sous les dais en soie et les tentures frappées de la croix blanche de Lorraine ou de la fleur de lys argentée de France. Corbett s’efforçait constamment de se tenir au courant de ce qui se passait : commérages, bribes de nouvelles et renseignements pourraient, une fois cousus ensemble, composer une tapisserie compréhensible.
    Mais il se rendit vite compte que ce serait plus difficile qu’il ne l’avait escompté : de Craon – ou peut-être quelqu’un de plus haut placé – avait donné des instructions fort strictes : les envoyés anglais devaient être traités avec courtoisie et hospitalité, mais sans concessions ni bavardages. Corbett s’aperçut que ses mots d’esprit tombaient à plat et que ses tentatives de mener une conversation sérieuse ne trouvaient aucun écho ; même le bagout de Ranulf, ses flatteries rusées et sa drôlerie n’avaient guère de succès auprès des servantes du palais.
    Ils se savaient également surveillés, ce qui mettait constamment Hervey dans un tel état d’agitation et de tension nerveuse que Corbett avait renoncé à apaiser ses craintes. Malgré les cérémonies hautes en couleur, les superbes tenues chamarrées des officiers de la Maison royale et des serviteurs de tout rang, il régnait dans le palais une atmosphère de malveillance et de menace larvée qui, Corbett ne l’ignorait pas, était créée, non par de Craon, mais par le roi Philippe qui mettait un point d’honneur à être au

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