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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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tête.
    — C’est pour vous tenir éloignés l’un de l’autre, continua impitoyablement Corbett, que votre père le fit rattacher à la Maison royale, n’est-ce pas ? C’était à la fois une ruse et un moyen de le suborner !
    — Oui, chuchota Lady Aliénor, les yeux baissés. Nous nous aimons profondément. Mon père fut très courroucé quand j’ai osé jeter mon dévolu sur cet homme. D’abord, il chercha à l’intimider, puis à le soudoyer en le recommandant au roi.
    — Cela fut-il efficace ?
    Lady Aliénor joua nerveusement avec les bagues de ses longs doigts effilés et pâles.
    — Non, répondit-elle d’une voix sourde, nous continuâmes à nous voir. Mon père le mit en garde une nouvelle fois, mais Ralph menaça, à son tour, d’en appeler directement au roi.
    — Donc, l’interrompit brusquement Corbett, lorsque votre père dut envoyer un otage en France, c’est vous qu’il choisit. Je suppose, également, que Monsieur de Craon était au courant de vos relations, ou, devrais-je dire, de votre liaison, et qu’il organisa des rendez-vous secrets lorsque Waterton vint à Paris ?
    — Oui, c’est cela. Monsieur de Craon fit preuve d’une extrême gentillesse.
    — Quel prix demanda-t-il ?
    La jeune femme lui jeta un regard inquiet et Corbett vit ses épaules frémir de peur.
    — Aucun, répondit-elle sèchement. Ralph est un loyal serviteur de la Couronne. Monsieur de Craon n’exigea rien du tout.
    — Alors pourquoi fut-il si aimable envers vous deux ?
    — Je ne sais pas, répliqua-t-elle, en dissimulant sa nervosité derrière un masque hautain. Si vous désirez le savoir, pourquoi ne pas le lui demander ?
    Sur ce, elle tourna les talons et s’éloigna rapidement.
    Corbett la suivit du regard. Il avait posé ses questions un peu à l’aveuglette, mais le résultat avait été probant. Une nouvelle pièce du puzzle s’était mise en place et se combinait aux précédentes : lentement, mais sûrement, la mosaïque se reconstituait. De Craon avait utilisé Waterton et Lady Aliénor, mais dans quels buts ? Et s’il s’inquiétait tant pour les jeunes amoureux, pourquoi n’avait-il pas informé la jeune femme de l’emprisonnement de Waterton, qu’il n’ignorait probablement pas ? La seule raison était que de Craon ne voulait pas alarmer Lady Aliénor. Corbett comprenait à présent toute la logique sous- jacente. Il soupira et regagna le corps de logis à pas comptés. Il lui fallait être prudent. Si Lady Aliénor révélait à de Craon tout ce que lui savait, il serait considéré comme bien trop dangereux pour qu’on le laissât rentrer, sain et sauf, en Angleterre – qu’il fût émissaire ou non !

CHAPITRE XVII
    Trois jours plus tard, Corbett fut convoqué à une réunion du Conseil de Philippe IV, qui se tenait dans la grand-salle du palais. On avait oeuvré, avec le plus grand soin, pour donner à ce lieu un aspect majestueux et digne du roi. D’immenses draperies d’or pendaient des poutres maîtresses et les murs étaient parés de tentures de pur velours blanc frappées aux armoiries de Louis IX, le célèbre et fort pieux ancêtre du roi.
    On avait placé sur l’estrade une rangée de chaises recouvertes de tissu argenté, autour du grand trône central drapé de velours pourpre frangé d’or et, devant, des tabourets. Corbett ne se faisait aucune illusion, il se doutait bien à qui ces derniers sièges étaient destinés. La grand-salle s’emplit de dignitaires revêtus des différents habits bicolores de la Maison du roi : noir et blanc, rouge et or, vert et noir ; des chevaliers en armure milanaise plaquée d’argent prirent position autour de la pièce, la pointe de leur épée nue reposant entre leurs pieds chaussés de mailles, les mains appuyées sur les pommeaux ornés de pierreries.
    Dans la galerie au-dessus de l’estrade, les hérauts levèrent leurs trompettes et une sonnerie stridente éclata, faisant taire le brouhaha qui régnait dans la salle. Une porte latérale s’ouvrit sur deux thuriféraires, portant aubes et ceintures dorées, qui balançaient lentement leurs encensoirs et envoyaient de petites bouffées d’encens dans la salle. Ils se placèrent de chaque côté de l’estrade, suivis des hérauts qui portaient, chacun, d’énormes bannières Corbett n’eut d’yeux que pour l’Oriflamme, l’étendard sacré des Capétiens que l’on gardait d’habitude derrière le maître-autel de la chapelle royale de

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