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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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Saint-Denis.
    Les hérauts précédaient les membres de la famille du roi – ses fils, ses frères et ses cousins, tous superbement vêtus de pourpre et d’or. Il y eut une pause, puis les trompettes retentirent de nouveau dans le silence expectatif et le roi Philippe fit son entrée, en habit d’or bordé d’agneau des plus coûteux. Une paire d’éperons d’or cliquetait sur ses bottes de cuir noir qui dépassaient, de façon incongrue, de sa longue robe de cour. Corbett sourit en son for intérieur Philippe IV était très pointilleux en matière de protocole et de cérémonial de cour, mais même ici, il ne pouvait dissimuler son amour de la chasse. Il devait revenir, pensa Corbett, d’un de ses pavillons de chasse du bois de Boulogne ou de la forêt de Vincennes.
    Le roi prit place, imité par sa famille et son entourage. De Craon sembla surgir de nulle part et fit signe à Corbett et à ses compagnons de s’avancer vers les sièges bas. Ranulf et Hervey s’assirent, bouche bée, intimidés devant ce magnifique étalage de puissance. Corbett s’installa lentement, arrangeant soigneusement son habit, prenant son temps, afin d’adopter l’attitude et l’expression d’un diplomate expérimenté qui se tient prêt à recevoir des messages pour le compte de son souverain maître.
    Il regarda le roi, mais le visage du monarque était impassible comme de l’albâtre sculpté ; par contre, Corbett eut la calme satisfaction de lire de l’agacement sur les traits de de Craon. Les scribes s’activèrent et déroulèrent les documents ; une fois de plus, il fallut écouter les « Procès de Guyenne », une longue liste de revendications françaises à propos du duché. Il les connaissait et ne prêta à cette lecture monotone qu’une oreille distraite. Mais soudain le scribe s’interrompit avant d’entamer un nouveau passage : «  Autem nunc Régi Franciae placet  » : « Mais à présent, il plaît au roi de France... »
    Corbett l’écouta alors attentivement, s’efforçant de maîtriser sa joie lorsque fut dévoilée l’offre de paix de Philippe. Le roi de France était prêt à soumettre les griefs à Sa Sainteté, le pape Boniface VIII – qui lui était tout dévoué, comme le savait Corbett. Les Français rendraient le duché en échange de la promesse de mariage entre le prince de Galles et la fille du roi, Isabelle, dans l’espoir que la Guyenne serait finalement gouvernée par l’un de ses enfants. Ainsi, songea Corbett, il ne s’était pas trompé : le roi de France ne pouvait pas garder le duché éternellement, mais offrait de le restituer après un accord garanti par le pape. Par ce biais, il limiterait les effets de la diplomatie d’Édouard tout en s’assurant qu’un de ses petits- fils monterait sur le trône d’Angleterre tandis qu’un autre posséderait la Guyenne.
    Le scribe s’arrêta de lire. Corbett était conscient des regards que les Français – y compris le roi – dirigeaient sur lui. Ils attendaient sa réponse, mais elle était déjà prête, car Lancastre lui avait donné comme instructions : « Acceptez tout, absolument tout ce qui nous permettra de gagner du temps. Une fois le duché entre nos mains, nous pourrons réfléchir aux exigences de Philippe ! »
    Corbett s’éclaircit la gorge : «  Placet , déclara- t-il, Hic Regi Angliae placebit... » « Cela plaît, cela plaira au roi d’Angleterre ! »
    Il sentit le profond soulagement des Français ; le souverain souriait presque, son entourage était visiblement plus détendu, De Craon jubilait ostensiblement. Corbett fut aussitôt mal à l’aise ; il avait oublié une chose : tant que le traître du roi Philippe serait présent au Conseil d’Angleterre, les Français seraient renseignés sur toutes les tentatives du monarque anglais pour contourner ou ne pas respecter les termes de l’accord.
    De toute façon, il était trop tard : Philippe IV se levait, la réunion était achevée : de Craon quitta l’estrade et s’approcha de Corbett, dissimulant à peine sa satisfaction devant l’arrangement proposé. Il eut un signe de tête affable pour Ranulf et Hervey avant de s’adresser à Corbett :
    — Eh bien, Monsieur , pensez-vous que votre roi entérinera ces conditions ?
    — Il y a peu de raisons d’en douter, répliqua Corbett en évitant de trop s’avancer.
    De Craon se frotta le menton, l’air réjoui.
    — Bien, bien !
    Sur le point de partir, il fit soudain

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