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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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volte-face, comme s’il s’était souvenu de quelque chose :
    — Oh ! Le roi offre un banquet, ce soir. Il aimerait que vous soyez tous ses invités, ajouta-t-il avec un large sourire destiné à Ranulf et Hervey. À bientôt, donc !
    Il s’éloigna nonchalamment comme si tous les problèmes avaient été réglés. Corbett le suivit du regard, essayant de maîtriser la fureur grandissante qui lui serrait la gorge et accélérait les battements de son coeur. Hervey, qui venait d’exprimer sa joie contenue devant une si gracieuse invitation, recula, horrifié, en voyant le visage flamboyant de colère de Corbett.
    Lorsqu’ils revinrent dans la grand-salle, le soir, Corbett avait recouvré son calme. Il avait accepté les propositions du roi Philippe au nom du souverain anglais, mais ce dernier n’était vulnérable que si on laissait l’espion libre de nuire. À présent convaincu que Waterton n’était pas le traître, Corbett espérait que l’excès de confiance des Français lui fournirait une piste, un indice sur celui qu’ils avaient suborné.
    Ils étaient, en tout cas, décidés à déployer tous les fastes de leur puissance. La grand-salle resplendissait de soieries, de velours et de tapisseries multicolores ; les tables étaient couvertes de nappes de lin, bordées d’or ; la vaisselle d’argent, les hanaps sertis de diamants, les coupes en or scintillaient à la lueur des milliers de bougies de cire vierge qui brûlaient dans les imposants candélabres de bronze apposés le long des murs. Le roi Philippe et sa famille, superbement vêtus de pourpre, de blanc et d’or, présidaient à la table d’honneur, presque cachés par une énorme salière d’or pur ; dans la galerie, les joueurs de rebec, flûte, tambourin et viole s’efforçaient désespérément de couvrir le brouhaha croissant, tandis que le vin circulait et que les serviteurs apportaient, plat après plat, les lamproies, les anguilles, le saumon, le gibier fortement assaisonné d’épices, et même un cygne de fort belle taille, rôti et apprêté, qui semblait nager sur un grand plat d’argent. Corbett et ses compagnons avaient pris place juste au-dessous de l’estrade ; de Craon, assis en face d’eux, ne quittait pas Corbett du regard, un rictus aux lèvres.
    L’émissaire anglais n’appréciait pas la jubilation qu’il lisait sur le visage de son adversaire ; l’air maussade, il sirotait son vin et ne faisait guère honneur aux plats ; à ses côtés, par contre, Ranulf et Hervey dévoraient comme s’ils n’avaient pas mangé depuis des mois. De Craon les observait. Son sourire méprisant exaspérait Corbett, mais l’Anglais avait assez de bon sens pour savoir qu’un éclat de sa part ne ferait qu’accroître le triomphe du Français. De toute évidence, De Craon était persuadé que son souverain et lui avaient réussi un coup de maître diplomatique. L’héritier du roi Édouard épouserait la fille de Philippe IV. Le petit-fils du monarque français occuperait un jour le trône d’Angleterre et si le monarque anglais essayait secrètement de déjouer les manoeuvres des Français, ces derniers en seraient promptement informés par leur espion et comme « un homme averti en vaut deux »... Corbett repoussa son plat et, les coudes sur la table, interpella doucement de Craon :
    — Messire, vous devez vous réjouir de ce qui s’est passé.
    De Craon se cura négligemment les dents, sans prêter attention au dégoût de l’Anglais.
    — Bien sûr, Monsieur , dit-il lentement en délogeant une bribe de viande et en la réingurgitant après l’avoir regardée. Nous ne considérons pas cela comme une victoire, mais plutôt comme le rétablissement des droits du roi en France et en Europe d’une façon générale.
    — Et les otages ? avança prudemment Corbett. Seront-ils libérés ?
    De Craon eut un sourire narquois.
    — Naturellement. Une fois le traité formellement signé par votre maître, nous les renverrons aussi vite que faire se peut. Ils sont une charge pour le Trésor.
    — Tous ? demanda brusquement Corbett.
    Le sourire de de Craon s’évanouit.
    — Que voulez-vous dire ? demanda-t-il, soupçonneux.
    — Cela inclut-il la fille du comte de Richemont ?
    — Bien sûr !
    Corbett approuva d’un signe de tête.
    — Bien ! Et les fils de Tuberville ?
    — Également ! confirma de Craon d’une voix acerbe.
    Le Français sirota sa boisson. Corbett l’avait observé pendant

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