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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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temps, le serrurier Blas
Molina Soriano court aussi, le long des murs du couvent de Santa Clara, fuyant
les décharges françaises. Il a l’intention de descendre vers la Calle Mayor et
la Puerta del Sol pour s’unir à ceux qui s’y trouvent déjà ; mais des tirs
répétés et des cris de gens en débandade retentissent du côté de la rue de la
Platería, aussi s’arrête-t-il sur la place Herradores avec d’autres fuyards
qui, comme lui, arrivent de l’esplanade du Palais. Parmi eux se trouve le
groupe du chocolatier José Lueco et une autre petite bande formée par un homme
âgé à barbe blanche, qui brandit une antique épée couverte de taches de
rouille, et trois jeunes gens armés de fers de lance tout aussi oxydés ;
des armes vieilles de plus d’un siècle et que, racontent-ils, ils ont prises
dans la boutique d’un brocanteur. Deux femmes et un voisin sortent pour leur
donner de l’eau et demander des nouvelles, mais la plupart des gens restent aux
fenêtres, pour regarder sans se compromettre. Molina qui a atrocement soif boit
une longue gorgée et fait passer la cruche.
    — Comment trouver des
fusils ? se lamente le vieux à barbe blanche.
    — À qui le dites-vous,
monsieur ! renchérit un des jeunes garçons. Si nous en avions, nous
verrions de grandes choses, aujourd’hui !
    À ce moment, le serrurier est pris
d’une soudaine illumination. Le souvenir de sa visite au parc d’artillerie de
Monteleón, quand il escortait le jeune Ferdinand VII, lui revient. Sa
mémoire a fidèlement enregistré les canons rangés dans la cour, les fusils
alignés sur leurs râteliers. Et il se donne une tape sonore sur le front.
    — Que je suis bête !
s’exclame-t-il.
    Surpris, les autres le regardent.
Alors il leur explique. Dans le parc, il y a des armes, de la poudre et des
munitions. S’ils s’en emparaient, les Madrilènes pourraient traiter les
Français d’homme à homme, comme il convient, au lieu de se faire mitrailler
dans les rues, sans défense.
    — Œil pour œil !
lance-t-il, féroce.
    À mesure qu’il expose son plan,
Molina voit s’animer les visages de ceux qui l’entourent : regards
d’espoir et désir de vengeance se substituent à la fatigue. À la fin, il lève
le gourdin noueux avec lequel il a assommé le soldat français et se met en
marche, résolu, vers la rue des Hileras.
    — Que ceux qui veulent se
battre me suivent ! Et vous, voisins, faites passer le mot… Il y a des fusils
au parc de Monteleón !
     

3
    Au parc d’artillerie de Monteleón, le
lieutenant Rafael de Arango a vu, à son immense soulagement, les portes
s’entrouvrir pour laisser entrer le capitaine Luis Daoiz.
    — Comment les choses se
présentent-elles, ici ? demande le nouveau venu avec beaucoup de
sang-froid.
    Arango, qui doit faire un effort
pour respecter les formes et ne pas se jeter au cou de son supérieur, le met au
courant, y compris de sa décision de mettre les pierres aux fusils et de
disposer de cartouches, précautions que Daoiz approuve.
    — Bon, vous avez agi un peu en
fraude, dit-il avec un bref sourire. Mais comme ça nous pouvons parer à toute
éventualité.
    La situation, l’informe le
lieutenant, est difficile, le capitaine français et ses hommes sont très nerveux
et les gens, dehors, de plus en plus nombreux. On entend tirer dans le centre
de la ville, et de nouvelles bandes d’agitateurs affluent des rues voisines
vers les rues San José et San Pedro, devant le parc. Les habitants, et parmi
eux beaucoup de femmes surexcitées, sortent pour les rejoindre, et ils frappent
aux portes pour réclamer des armes. D’après le caporal Alonso, qui se tient
toujours à l’entrée, et le sergent-major Juan Pardo, qui habite en face et
vient régulièrement donner des nouvelles de la rue, les choses semblent
s’aggraver. Daoiz lui-même a pu le constater en venant, sur ordre du capitaine
Navarro Falcón.
    — C’est vrai, dit le capitaine,
sans se départir de son flegme. Mais je crois que, pour le moment, nous pouvons
contrôler la situation… Comment sont les hommes ?
    — Inquiets, mais toujours
disciplinés. – Arango baisse la voix. – J’imagine que votre présence les
soulagera. Plusieurs sont venus me voir pour me dire qu’on peut compter sur eux
s’il faut se battre.
    Daoiz a un sourire rassurant.
    — Nous n’en viendrons pas là.
Les ordres que j’apporte sont tout le contraire. Calme absolu, et pas un seul
artilleur à

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