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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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de Gardes espagnoles à la recherche d’armes, font demi-tour en
voyant le passage coupé par une colonne de cavaliers français. Ils rencontrent
peu après une de leurs connaissances, Gaudosio Calvillo, agent à l’octroi des
Finances royales, qui se hâte, chargé de quatre fusils, de deux sabres et d’un
sac de cartouches. Calvillo leur raconte que, tout près, au guichet de
Recoletos, ses camarades des Douanes se préparent à se battre ou sont déjà en
train de le faire ; de sorte qu’ils prennent chacun un fusil et décident
de le suivre. En chemin, à les voir ainsi marcher, armés et résolus, les
jardiniers de la duchesse de Frías et du marquis de Perales, Juan Postigo, Juan
Toribio Arjona et Juan Fernández Lopez, ce dernier portant son fusil de chasse
personnel et les autres munis seulement de navajas, se joignent à eux. Arjona
prend le fusil restant, et ils arrivent ainsi aux abords immédiats du guichet,
juste au moment où les douaniers et quelques habitants affrontent les premiers
éclaireurs de l’infanterie française qui s’aventurent dans ce quartier. Sautant
les murs, courant courbés sous les arbres des vergers, les six finissent par
s’intégrer à un parti plus nombreux, formé entre autres des fonctionnaires de
l’octroi Anselmo Ramirez de Arellano, Francisco Requena, José Avilés, Antonio
Martínez et Juan Serapio Lorenzo, accompagnés des ouvriers de la tuilerie
d’Alcalá Antonio Colomo, Manuel Díaz Colmenar, des frères Miguel et Diego Manso
Martín et du fils de ce dernier. À eux tous, ils parviennent à acculer une
patrouille d’éclaireurs français qui avancent à découvert par le jardin de San
Felipe Neri. Après un furieux échange de coups de fusils, ils leur tombent
dessus avec des navajas et les égorgent : un effroyable carnage qui finit
par les épouvanter eux-mêmes, et, prévoyant les représailles inévitables, ils
se dispersent en courant pour se cacher. Les fonctionnaires trouvent refuge dans
les dépendances du guichet de Recoletos, et le jardinier Juan Fernández Lopez,
toujours muni de son fusil de chasse, décide de les accompagner ; sans se
douter que d’ici peu, quand arrivera le gros des troupes ennemies décidées à
venger leurs camarades, ce lieu se transformera en un piège mortel.
    Dans son bureau de la Prison royale,
le directeur n’en croit pas ses oreilles.
    — Qu’est-ce que vous
dites ? Que demandent les prisonniers ?
    Le gardien-chef, Félix Ángel, qui
vient de poser un papier sur la table de son supérieur, hausse les épaules.
    — Ils le sollicitent
respectueusement, monsieur le directeur.
    — Et cette demande, c’est
quoi ?
    — De défendre la patrie.
    — Vous vous moquez de moi,
Félix.
    — Dieu m’en garde.
    Le directeur, encore incrédule,
chausse ses lunettes et lit la pétition que vient de lui présenter le
gardien-chef, transmise par la voie réglementaire.
     
    Ayant appris le désordre qui se
manifeste dans le peuple et que par les balcons l’on jette des armes et des
munitions pour la défense de la Patrie et du Roi, le soussigné Francisco Xavier
Cayón supplie sous serment en son nom et en celui de ses camarades de revenir
tous à la prison que nous soyons mis en liberté pour aller exposer notre vie
contre les étrangers et pour le bien de la Patrie.
    Fait respectueusement à Madrid ce
deux mai mil huit cent huit.
     
    Encore interloqué, le directeur
regarde le gardien-chef.
    — Qui est ce Cayón ?… Le
numéro 15 ?
    — Oui, monsieur le directeur.
Il a fait des études, comme vous pouvez voir. Et il écrit bien.
    — On peut lui faire
confiance ?
    — C’est selon.
    Le directeur se gratte les favoris
et souffle, dubitatif.
    — Ce n’est pas régulier… Euh…
Impossible… Même dans ces pénibles circonstances… D’ailleurs, certains sont de
dangereux criminels. Nous ne pouvons pas les lâcher comme ça dans la ville.
    Le gardien chef s’éclaircit la
gorge, regarde ses pieds, puis le directeur.
    — Ils disent que si l’on
n’accède pas de bon gré à leur pétition, ils nous y forceront en se mutinant.
    — Des menaces ! – Le
directeur sursaute. – Ces canailles osent menacer ?
    — Eh bien… On peut voir les
choses comme ça… De toute façon, c’est déjà fait… Ils sont réunis dans la cour,
et ils m’ont pris les clefs. – Le gardien-chef indique le papier sur la table.
– En réalité, cette pétition est une formalité. Une manière de prouver

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