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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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leur
bonne foi.
    — Ils se sont armés ?
    — Eh bien… oui. Ce qu’ils
avaient sous la main : barres de fer aiguisées, broches, bâtons épointés…
Bref, le tout-venant. Ils menacent aussi de mettre le feu à la prison.
    Le directeur s’essuie le front avec
un mouchoir.
    — Et vous dites qu’ils sont de
bonne foi.
    — Moi je ne dis rien, monsieur
le directeur. Ce sont eux qui parlent de bonne foi.
    — Et vous vous êtes laissé
prendre les clefs, comme ça, gentiment ?
    — Je n’avais pas le choix… Mais
vous les connaissez. Gentiment, c’est façon de parler.
    Le directeur se lève de son bureau
et fait quelques pas dans la pièce. Puis il va à la fenêtre et écoute avec
inquiétude les tirs au-dehors.
    — Vous croyez qu’ils tiendront
parole ?
    — Je n’en sais rien.
    — Vous en prenez la
responsabilité ?
    — Je suppose que vous
plaisantez, monsieur le directeur. Avec tout le respect que je vous dois.
    Indécis, le directeur se tamponne de
nouveau le front. Puis il revient à sa table, reprend ses lunettes et relit la
pétition.
    — Combien de détenus avons-nous
en ce moment ?
    Le gardien-chef sort un carnet de sa
poche.
    — D’après le compte de ce
matin, quatre-vingt-neuf valides et cinq à l’infirmerie : au total
quatre-vingt-quatorze. – Il ferme le carnet et marque une pause, d’un air
entendu. – C’est du moins ce que nous avions tout à l’heure.
    — Et ils veulent tous
sortir ?
    — Seulement cinquante-six,
d’après le dénommé Cayón. Les trente-huit restants, en comptant les malades,
préfèrent rester tranquillement ici.
    — C’est de la folie, Félix. On
n’est plus dans une prison, mais dans un asile d’aliénés.
    — Ce n’est pas un jour comme
les autres, monsieur le directeur. Il y a la patrie, et tout ça.
    — Qu’est-ce qui vous
arrive ?… Vous voulez aller avec eux ?
    — Moi ?… Il faudrait que
j’aie bu, et encore…
    Tandis que le directeur et le
gardien-chef de la Prison royale s’interrogent sur la pétition des détenus, une
lettre d’un autre genre parvient aux mains des membres du Conseil de la
Castille. Elle est signée du duc de Berg :
     
    L’heure n’est plus aux tergiversations.
Il est impératif que le calme soit immédiatement rétabli, sans quoi les
habitants de Madrid devront s’attendre à ce que retombent sur eux toutes les
conséquences de leur entêtement. Toutes mes troupes se rassemblent. Des ordres
sévères et irrévocables sont donnés. Toute réunion doit se disperser, sous
peine d’être exterminée. Tout individu qui sera appréhendé dans une de ces
réunions sera passé par les armes sur-le-champ.
     
    En réponse à l’ultimatum de Murat,
le Conseil, accablé, se borne à faire circuler, sous la signature du gouverneur
don Antonio Arias Mons, un appel à la conciliation dont, personne, dans une
ville en armes et en proie à la folie, ne tiendra compte :
     
    Aucun des sujets de Sa Majesté ne
doit maltraiter, ni en paroles ni en actes, les soldats français, mais ils
doivent au contraire leur dispenser toute la considération et toute l’aide
nécessaires.
     
    Indifférent à tout mandement publié
ou à publier, Andrés Rovira y Valdesoera, capitaine du régiment des Milices
provinciales de Santiago de Cuba, à la tête d’un peloton de civils qui
cherchent à se battre contre les Français, rencontre le capitaine Velarde au
moment où celui-ci, suivi des secrétaires Rojo et Almira, marche dans la rue
San Bernardo en direction de la caserne de Mejorada, siège du régiment des
Volontaires de l’État. En voyant l’attitude résolue de Velarde, Rovira, qui le
connaît, le suit avec les siens. Ils arrivent ainsi ensemble à la caserne, où
ils trouvent le régiment rassemblé dans la cour en position de défense et son colonel,
don Esteban Giraldes Sanz y Merino – marquis de Casa Palacio, vétéran des
campagnes de France, du Portugal et d’Angleterre –, en train de discuter
aigrement en aparté avec ses officiers qui prétendent sortir, fraterniser avec
le peuple et intervenir dans la lutte. Giraldes refuse et menace d’arrêter tous
les officiers à partir du grade de lieutenant, mais la discussion s’envenime
avec la présence des meneurs populaires, voisins et connaissances des hommes de
la caserne, qui proposent d’ouvrir le passage aux soldats jusqu’au parc de
Monteleón proche, en garantissant que le peuple, qui a besoin de chefs, obéira
à tout ordre

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