Un Jour De Colère
exemple, s’ils nous attrapent.
— Attention, ils
reviennent !
Attaqués par un détachement de
dragons qui arrive du Buen Retiro et par une colonne d’infanterie qui avance
depuis la promenade des Délices, une douzaine de civils et quatre soldats sur
les cinq qui ont quitté la caserne des Gardes espagnoles – le cinquième,
Eugenio García Rodríguez, est mort devant la grille du Jardin botanique – se
replient en tirant pour se réfugier dans les rues voisines. Commence ainsi une
sordide bataille de coins de rues, de porches et d’arcades, dans laquelle les
Espagnols finissent par se voir encerclés. C’est de cette manière qu’est
capturé Domingo Braña Nalbín, agent du tabac des Douanes royales, au moment où
il fuyait vers les murs de Jésus. Trois soldats des Gardes espagnoles qui sont
avec lui parviennent à s’échapper de maison en maison, démolissant les cloisons
et sautant sur les toits, tandis que le Sévillan Manuel Alonso Albis, dont
l’uniforme attire l’attention des Français, est pris en écharpe par un tir qui
lui déchiquette une joue ; il laisse son fusil pour dégainer son sabre et
est de nouveau frappé à la poitrine par une balle qui l’abat juste sous le mur
du fond de l’Hôpital général. Capturé peu après, le muletier Baltasar Ruiz sera
fusillé sans tarder dans le fossé d’Atocha. Les autres, poursuivis par les
soldats impériaux qui les pourchassent à la baïonnette et les mitraillent avec
une pièce d’artillerie pointée pour prendre en enfilade la rue Atocha, se
défendent désespérément à l’arme blanche et succombent l’un après l’autre.
Celui qui arrive le plus loin est Juan Bautista Coronel, un musicien de
cinquante ans né à San Juan du Panama, qui, en courant près de la place Antón
Martín, reçoit un éclat de mitraille qui lui arrache une cuisse et l’éventre.
D’autres membres de ce groupe, José Juan Bautista Monténégro, le Galicien de
Mondoñedo Juan Fernández de Chao et le cordonnier de dix-neuf ans José Peña,
acculés et sans munitions, lèvent les mains et se rendent aux Français. Ils
seront tous trois fusillés dans l’après-midi sur la côte du Buen Retiro.
À l’Hôpital général, situé au coin
de la rue Atocha et de la porte du même nom, où deux mille malades français ont
pu éviter ce matin d’être massacrés par la populace, le garçon de salle Serapio
Elvira, âgé de dix-neuf ans, vient d’arriver de la rue en amenant un camarade
touché par une balle qui lui a fracturé deux côtes pendant qu’ils étaient tous
les deux en train de ramasser des blessés sur la place Antón Martín. Laissant
son compagnon aux mains d’un chirurgien, Elvira parcourt les couloirs bondés de
blessés et de mourants en quête d’un autre garçon qui oserait sortir dans la
rue. À ce moment, un infirmier monte en criant l’escalier principal :
— Les gabachos veulent
fusiller les prisonniers des cuisines !
Serapio descend en courant, avec
d’autres, et trouve en bas un sergent de l’armée impériale qui, avec un peloton
de soldats, emmène le marmiton, les cuisiniers et les infirmiers qui, peu de
temps auparavant, ont voulu égorger les Français de l’hôpital. Sans prendre le
temps de réfléchir, Elvira s’empare d’un tranchoir et se jette sur le
sous-officier qui tire son épée et le blesse au visage. Le jeune homme tombe,
blessé, les autres soldats dégainent, et tous les cuisiniers – pour la plupart asturiens
– se précipitent sur eux comme une meute, rejoints par plusieurs infirmiers de
chirurgie qui accourent, alertés par le tumulte. Parmi les Espagnols, outre
Serapio Elvira, Francisco de Labra, âgé de dix-neuf ans, est tué, et ses
camarades Francisco Blanco Encalada, seize ans, Silvestre Fernández,
trente-deux ans, et José Pereira Méndez, vingt-neuf ans, sont blessés, ainsi
que le chirurgien José Quiroga, le blanchisseur Patricio Cosmea, le garçon de
salle Antonio Amat et l’infirmier Alonso Pérez Blanco – qui mourra de ses
blessures quelques jours plus tard. Mais, à eux tous, ils réussissent à faire
reculer les Français, qu’ils accablent de coups et de blessures. Le marmiton
Vicente Pérez del Valle, un robuste garçon de Cangas, empoigne une broche de rôtissoire
et affronte le sous-officier, qui finit par lâcher son sabre et par prendre la
fuite avec ses hommes, fort mal en point.
— Ordures de gabachos ! … N’y revenez pas !
Mais les Français reviennent,
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