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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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lui confirme que, là-bas, les artilleurs se battent
contre les Français, elle court à son cabinet de toilette, met de l’ordre dans
ses cheveux, arrange ses vêtements, prend un châle noir et se précipite dans la
rue après avoir confié ses enfants à une vieille et fidèle servante, sans plus
d’explications. Des témoins assureront plus tard l’avoir vue courir à travers
la ville « le visage altéré et décomposé par l’angoisse ». María
Beano se dirige vers le parc d’artillerie et tente sa chance en essayant de
passer par plusieurs rues qui y mènent. Mais l’encerclement est total, et
personne ne peut aller au-delà des détachements qui barrent tous les accès.
Repoussée par les soldats de l’armée impériale, difficilement retenue par des
voisins qui tentent de la dissuader de poursuivre, la veuve finit par se
débarrasser d’eux, laisse derrière elle un piquet de Français, et sans tenir
compte des cris des sentinelles, monte en courant la rue San Andrés, avant
d’être frappée par une balle. Le corps, baignant dans une mare de sang et
enveloppé dans son châle noir, restera toute la journée sur la chaussée. Cette
étrange conduite, le secret de cette hâte d’arriver au parc de Monteleón
resteront à jamais voilés par les ombres du mystère.
    Ignorant la mort de María Beano, le
capitaine Velarde supervise depuis trois quarts d’heure le feu des hommes
postés dans le bâtiment et sous la voûte du parc de Monteleón. Luis Daoiz lui a
demandé de ne pas s’exposer à côté des canons, dans l’éventualité où lui-même
tomberait. En ce moment, Velarde se trouve à l’entrée, pour diriger les tireurs
qui, tapis en haut d’un échafaudage appuyé au mur de clôture, protègent de leur
mousqueterie ceux qui, dehors, servent les quatre pièces. Les Français n’ont
avancé leur infanterie que jusqu’aux rues avoisinantes, sans tirer au canon, et
Velarde est satisfait de la tournure des événements. Artilleurs et Volontaires
de l’État se battent en hommes de métier et avec fermeté, et presque tous les
civils remplissent leur rôle, entretenant un feu qui, même s’il n’est pas très
précis, tient les assaillants en respect. Néanmoins, le capitaine observe avec
inquiétude que les tireurs ennemis, passant de porche en porche et de maison en
maison, sont de plus en plus près. Cela oblige certains civils à reculer,
abandonnant le coin de la rue San Bernardo et celui de la rue San Andrés. Les
Français ont occupé un premier étage de cette dernière et, de là, ils tiennent
sous leur feu ceux qui transportent des blessés dans le couvent de Las
Maravillas. Décidé à les déloger, Velarde réunit un petit groupe formé du
secrétaire Almira – l’autre secrétaire, Rojo, sert au canon du lieutenant Ruiz
–, des Volontaires de l’État Julián Ruiz, José Acha et José Romero, et du
domestique de la rue Jacometrezo Francisco Maseda de la Cruz.
    — Venez avec moi !
    Au pas de course, l’un derrière
l’autre, les six hommes traversent la rue, passent entre les canons et se
collent à la façade d’en face. De là, par signes, Velarde indique ses
intentions à Luis Daoiz. Le commandant du parc, qui est toujours debout au
milieu de la fusillade, serein comme à la promenade, fait un geste qui peut
s’interpréter comme un acquiescement ; mais Velarde le soupçonne aussi
d’avoir haussé les épaules. Quoi qu’il en soit, le capitaine avance avec les
autres en longeant le mur et en s’abritant de porche en porche jusqu’à
l’atelier de sparterie où se trouve le parti du marchand de charbon Cosme de
Mora.
    — Combien êtes-vous ?
    — Quinze, monsieur l’officier.
    — La moitié, avec moi !
    Ils sortent dans la rue un par un, à
des intervalles que leur indique Velarde : Almira, les trois Volontaires
de l’État, Maseda, Cosme de Mora et six autres passent en courant le carrefour
des rues San José et San Andrés et se réunissent de l’autre côté.
    — Nous sommes treize, murmure
Maseda. Mauvais chiffre.
    — Silence !… Baïonnette au
canon !
    Les Volontaires de l’État obéissent,
avec des gestes mécaniques et professionnels. Plusieurs civils les imitent
maladroitement.
    — Nous n’avons pas tous des
baïonnettes, monsieur l’officier, dit le blanchisseur Benito Amégide y Méndez.
    — Dans ce cas, vous vous
servirez de vos crosses… En avant !
    En troupe serrée, Velarde en tête,
les treize hommes montent

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