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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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San Gregorio. Un artilleur la relève peu après.
Elle n’est pas la seule, en ce moment, à participer au combat. La locataire du
numéro 11 de la rue San José, Clara del Rey y Calvo, quarante-sept ans, aide le
lieutenant Arango et l’artilleur Sebastián Blanco à charger et à pointer un
canon en compagnie de son mari Juan González et de leurs trois fils. D’autres
femmes apportent des cartouches, du vin et de l’eau aux combattants. Parmi
elles, une jeune fille de dix-sept ans, Benita Pastrana, habitante du quartier,
qui est accourue en apprenant que son fiancé Francisco Sánchez Rodríguez,
serrurier place du Gato, était blessé. Il y a aussi Juana García, cinquante
ans, de Málaga ; Francisca Olivares Muñoz, qui habite la rue proche de la
Magdalena ; Juana Calderón, qui, à plat ventre sous un porche, recharge
les fusils de son mari José Beguí pendant qu’il tire ; et une jeune fille
de quinze ans qui traverse souvent la rue, sans se soucier de la fusillade,
pour apporter dans son tablier des munitions à son père et aux groupes de
civils qui tirent sur les Français depuis le verger de Las Maravillas, jusqu’à
ce que la balle d’un feu de salve la tue. On ne connaîtra jamais avec certitude
le nom de cette jeune fille, encore que certains voisins affirment qu’il
s’agissait de Manolita Malasaña.
    — Qu’est-ce que vous
dites ? Le parc d’artillerie ? demande Murat, hors de lui.
    Autour du duc de Berg, établi au
Campo de Guardias avec tout son état-major et une forte escorte, ses généraux
et ses aides de camp avalent leur salive. Les rapports concernant les pertes
subies sont effrayants. Le capitaine Marcellin Marbot – qui vient d’informer
que l’infanterie du colonel Friederichs a pris la Puerta del Sol, mais que les
combats continuent place Antón Martín, à Puerta Cerrada et sur la Plaza Mayor –
voit Murat froisser rageusement le rapport du commandant du bataillon de
Westphalie, qui est engagé devant le parc de Monteleón. Là, les insurgés
continuent de résister obstinément. Les artilleurs, renforcés par quelques
soldats, se sont joints au peuple. Leurs canons, habilement placés dans la rue,
font des ravages.
    — Je veux que vous m’effaciez
ces gens-là de la surface de la terre, exige Murat. Immédiatement.
    — On s’y emploie, Votre
Altesse. Mais nous avons beaucoup de pertes.
    — Tant pis pour les pertes.
Est-ce que je me suis bien fait comprendre ?… Je me fous totalement des
pertes !
    Murat, qui s’est penché sur le plan
de Madrid déployé sur une table de campagne, frappe du doigt un point de la
partie supérieure : un rectangle entouré de rues droites, qui n’était
jusqu’à présent l’objet d’aucune attention particulière – Monteleón. Son nom
n’est même pas porté sur le plan.
    — Je veux qu’on le prenne à
n’importe quel prix ! Vous m’entendez ? À n’importe quel prix !…
Ces canailles ont besoin d’un châtiment exemplaire… Voyons, Lagrange : qui
avons-nous, dans les parages ?
    Le général de division Joseph
Lagrange, qui fait aujourd’hui office d’aide de camp personnel du duc de Berg,
jette un coup d’œil sur la carte et consulte les notes que lui passe un
subordonné. Il semble rassuré et annonce que, en effet, on dispose de quelqu’un
à proximité.
    — Le commandant Montholon,
Votre Altesse. Faisant fonction de colonel du 4 e régiment
d’infanterie. Il attend les ordres avec un bataillon entre la porte de Santa
Bárbara et celle de Los Pozos.
    — Parfait. Qu’il aille
immédiatement renforcer les Westphaliens… Mille cinq cents hommes doivent
suffire pour écraser cette maudite vermine !
    — Je suppose, Votre Altesse.
    — Vous supposez ?… Est-ce
que vous vous foutez de moi ?
    Sur la place Antón Martín, située à
mi-parcours de la rue Atocha qui monte vers la Plaza Mayor, la chance qui avait
permis jusque-là au charpentier de Lavapiés Miguel Cubas Saldaña, après s’être
battu à la porte de Tolède, de s’échapper et de se réfugier dans San Isidro
l’abandonne. Il est arrivé, en combattant partout où il le pouvait, dans un
petit groupe qui a été finalement dispersé par une volée de mitraille. Quand
Saldaña, étourdi par le choc, saignant du nez et des oreilles, soulève la tête,
il se voit entouré de baïonnettes françaises. Redressé à coups de pieds,
titubant, menotté, il est emmené en direction du Prado et constate tristement
en chemin que,

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