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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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l’escalier qui mène au premier étage, défoncent la
porte et se jettent sur les Français qui occupent le logement.
    — Vive l’Espagne !… Vive
l’Espagne et vive Dieu !
    Le combat fait rage, au corps à
corps, au milieu des meubles brisés, de chambre en chambre, dans les cris, les
coups et les détonations. Le blanchisseur Amégide reçoit onze blessures, et,
près de lui, tombent le Volontaire de l’État José Acha, la cuisse transpercée
par une baïonnette, et le domestique Francisco Maseda, une balle dans la
poitrine. Cinq ennemis sont blessés à mort et les cinq autres sautent par la
fenêtre. Au dernier instant, le Volontaire de l’État Julián Ruiz, vingt-trois
ans, reçoit une balle tirée de si près qu’il meurt avant même que la bourre de
la cartouche française qui fume sur sa veste ait eu le temps de s’éteindre.
    Le feu ennemi faiblit un peu, et les
Espagnols économisent leurs munitions. Devant l’entrée du parc, où se trouvent
les canons – l’un d’eux s’est enrayé, il n’en reste que trois pour battre les
rues –, le lieutenant Jacinto Ruiz a chargé et pointé la pièce qui tient en
enfilade la rue San José dans la direction du croisement de la rue San Andrés,
et plus loin la rue Fuencarral et la fontaine Neuve de Los Pozos, mais il
retarde le tir pour attendre d’avoir une cible qui en vaille la peine. Il est
aidé par le secrétaire Domingo Rojo, le Volontaire de l’État José Abad Leso et
deux artilleurs du parc, le caporal Eusebio Alonso et le soldat José González
Sánchez. La fièvre produit chez Ruiz un état d’hallucination qui lui fait
mépriser le danger. Il agit comme si la poudre brûlée était à l’intérieur de sa
tête, et non autour de lui. Il essaye de voir à travers la fumée et signale de
son sabre dégainé les objectifs possibles, pendant que le caporal Alonso et les
autres, qui gardent la bouche bien ouverte pour ne pas avoir les tympans crevés
par les détonations, restent accroupis derrière la pièce, boutefeu à la main,
dans l’attente de son ordre.
    — Là-bas, là-bas !…
Regardez à gauche !
    Un peu en retrait, tout en
surveillant les autres canons, le capitaine Luis Daoiz voit une soudaine volée
de mitraille française s’abattre sur le canon du lieutenant, blesser celui-ci
au bras et faire tomber le caporal Alonso, le Volontaire de l’État José Abad et
l’artilleur González Sánchez. En deux enjambées, il est près d’eux :
González Sánchez à la cervelle à l’air et Abad une balle dans le cou, mais ce
dernier est toujours vivant. Le caporal Alonso, qui s’en tire avec une entaille
au front, se relève en comprimant sa blessure d’une main, prêt à remplir ses
obligations. Jacinto Ruiz, qui a un trou de plusieurs pouces à la manche
gauche, saigne énormément.
    — Comment vous
sentez-vous ? demande Daoiz, en criant pour surmonter le fracas des tirs.
    Le lieutenant titube et cherche un
appui sur le canon. Puis il respire profondément et hoche la tête.
    — Je vais bien, mon capitaine,
ne vous inquiétez pas… Je peux rester.
    — Ce bras a mauvaise
allure ! Allez vous le faire soigner.
    — Plus tard… J’irai plus tard.
    Trois hommes et deux jeunes femmes –
l’une est celle qui a tout à l’heure aidé à déplacer le canon, Ramona García
Sánchez – accourent des porches voisins et emportent González Sánchez et José
Abad au couvent de Las Maravillas en laissant une traînée de sang sur la
chaussée. L’exempt José Pacheco, qui, avec son fils le cadet Andrés Pacheco,
porte quatre charges de poudre dans leurs cartouches, sort un mouchoir de sa
poche et le noue autour de la blessure de Jacinto Ruiz. Une détonation toute
proche – le canon commandé par le lieutenant Arango qui tire sur la rue San
Pedro – les assourdit tous les deux. Maintenant, le feu de la mousqueterie
française se concentre sur l’entrée du parc, et aucun des artilleurs qui
s’abritent là ne vient prendre les places rendues vacantes. Daoiz adresse des
signes à des civils allongés le long du mur du verger de Las Maravillas pour en
faire venir deux : le marchand de vin du cours San Jerónimo José Rodríguez
et son fils Rafael.
    — Vous savez manœuvrer un
canon ?
    — Non… Mais ça fait un moment
que nous regardons comment on fait.
    — Dans ce cas, restez ici. Vous
êtes désormais sous les ordres de cet officier.
    — Oui, monsieur le capitaine !
    Tous ne font pas preuve d’un

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