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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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main.
    — Prêt !
    — Feu, ordonne Daoiz, pendant
que tous s’écartent.
    C’est Gómez Mosquera qui applique le
boutefeu fumant. Une violente secousse fait reculer le canon, et celui-ci
expédie une volée de pierres à fusil transformées en mitraille sur les Français
qui se pressent à cinquante pas. Soulagé, Daoiz voit la masse des ennemis se
décomposer : des soldats tombent, d’autres courent, et cet endroit de la
rue se vide. Du mur de clôture et des balcons voisins, les tireurs
applaudissent. Ramona García Sánchez, après s’être essuyé le nez du dos de la
main, complimente joyeusement le capitaine.
    — Vive messieurs les
officiers ! On peut être petit mais quand même joli garçon ! Et vive
leurs mères, qui nous les ont donnés !
    — Merci. Mais allez-vous-en,
ils vont tirer à leur tour.
    — M’en aller ?… Même les
Maures de Murat ne me délogeront pas d’ici, ni leur impératrice Agrippine, ni
leur freluquet de Nabuléon Malaparte… Je ne marche que pour le roi Ferdinand.
    — Je vous dis de vous en aller,
insiste Daoiz avec raideur. C’est trop dangereux de rester à découvert.
    La figure salie par la fumée de la
poudre, la fille se noue un foulard autour de la tête pour rassembler ses
cheveux et esquisse un sourire. Daoiz observe que la sueur met des taches
sombres à sa chemise et ses aisselles.
    — Tant que vous resterez ici,
mon général, Ramona García ne vous lâchera pas… Comme dit une cousine à moi qui
n’est pas mariée, un homme, ça se suit jusqu’à l’autel, et un homme courageux
jusqu’à la fin du monde.
    — Elle dit vraiment ça, votre
cousine ?
    — Juré craché, cœur de ma vie.
    Et, en remettant un peu d’ordre dans
sa mise devant les sourires fatigués des artilleurs et des civils, Ramona
García Sánchez chante à voix basse au capitaine deux ou trois mesures d’une copia.
    L’ultime affrontement dans le centre
de Madrid a lieu sur la Plaza Mayor, où se sont retirés les derniers groupes
qui disputent encore la rue aux Français. S’abritant sous les arcades, les
porches et dans les ruelles voisines, leurs munitions épuisées, avec pour
seules armes des sabres, des navajas et des couteaux, une poignée d’hommes
livrent un combat sans espoir, meurent ou sont faits prisonniers. Le boulanger
Antonio Maseda, acculé par un détachement de l’infanterie française, refuse de
lâcher la vieille épée rouillée qu’il tient à la main et est criblé de coups de
baïonnettes sous le portique de Pañeros. Le mendiant Francisco Calderón subit
le même sort, abattu d’une balle en essayant de s’échapper par le passage de
l’Infierno.
    — On n’a plus rien à faire
ici !… Filons, et que chacun se débrouille comme il peut !
    Une détonation finale, et tous se
mettent à courir. Dans l’embouchure de la rue Nueva, les détenus de la Prison
royale ont tiré leur dernier coup de canon contre les grenadiers français qui
débouchent de la rue de la Platería. Après quoi, toujours sur les conseils du
Galicien Souto, ils rendent la pièce inutilisable en l’enclouant et se
dispersent dans les rues proches. Un coup de feu abat le détenu Domingo Palén,
qui est ramassé, encore en vie, par ses camarades. Dans leur fuite, juste au
moment où ils se mettent à courir aveuglément dans la rue de l’Amargura, le
charbonnier asturien Domingo Girón, les détenus Souto, Francisco Xavier Cayón
et Francisco Fernández Pico, tombent sur six cavaliers polonais qui leur crient
de se rendre. Ils sont sur le point d’obéir, quand, d’un balcon, intervient la
jeune Felipa Vicálvaro Sáez, âgée de quinze ans, en lançant des pots de fleurs
sur les Polonais, dont l’un tombe de cheval. Un coup de feu retentit, la fille
s’effondre, transpercée par une balle, et les détenus en profitent pour faire
face, couteaux à la main.
    — Salauds d e Gabachos  ! … On va vous foutre vos sabres dans le cul !
    Dans la mêlée, ils tuent le cavalier
démonté, et les autres tournent casaque tandis que les quatre hommes traversent
la Calle Mayor en courant. D’autres Polonais arrivent au galop, d’autres coups
de feu sont tirés, et le charbonnier Girón s’écroule, mort, au coin de la rue
Bordadores. Quelques pas plus loin, dans la rue de Las Aguas, Fernández Pico a
un genou éclaté par une balle et tombe.
    — Ne me laissez pas là !…
Au secours !
    Les sabots des cavaliers résonnent
tout près. Ni Souto ni Cayón ne

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