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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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prennent le temps de regarder derrière eux. Le
blessé tente de ramper jusqu’à l’abri d’un porche, mais un Polonais arrête net
son cheval devant lui, se penche, et, sans mettre pied à terre, l’achève
posément avec son sabre. Ainsi finit Francisco Fernández Pico, âgé de dix-huit
ans, domicilié rue de la Paloma et berger de profession. Il était en prison
pour avoir poignardé un tavernier qui avait mis de l’eau dans son vin.
    Les hasards de l’ultime résistance
sur la Plaza Mayor ont réuni dans le même groupe, près de la voûte de la rue
Cuchilleros, Teodoro Arroyo, qui habite sur l’escalier des Animas, le courrier
des Postes Pedro Linares – survivant de plusieurs escarmouches –, les Gardes
wallonnes Monsak, Franzmann et Weller, le Napolitain Bartolomé Pechirelli,
l’invalide de la 3 e compagnie Felipe García Sánchez et son fils le
cordonnier Pablo García Vélez, les employés d’ambassade à la retraite Nicolás
Canal et Miguel Gómez Morales, le tailleur Antonio Gálvez et ce qui reste de la
bande formée par l’orfèvre de la rue Atocha Julián Tejedor de la Torre, son ami
le bourrelier Lorenzo Domínguez et divers commis et apprentis. En tout dix-sept
hommes, qui se sont réfugiés sous la voûte qui donne accès à la place, et leur
nombre attire l’attention d’un peloton ennemi en train de récupérer le canon
abandonné. Comme ils ne peuvent atteindre les Espagnols avec leurs fusils, car
ceux-ci se protègent sous les porches et derrière les épais piliers des
arcades, les Français chargent à la baïonnette, ce qui donne lieu à un corps à
corps sans merci. Plusieurs soldats français tombent, et aussi Teodoro Arroyo,
l’aine ouverte d’un coup de baïonnette, tandis que le courrier des Postes Pedro
Linares, qui a roulé à terre étroitement enlacé à un sergent français,
l’accable de coups de couteau avant d’être tué par plusieurs ennemis.
    — Paul !… Sauve-toi,
Paul !
    Le cri lancé par le soldat de la
Garde wallonne Franz Weller à son camarade Monsak arrive trop tard car, déjà,
celui-ci est tombé, les poumons transpercés, étouffé par le sang qui lui monte
à la bouche. Hors d’eux, Weller et Gregor Franzmann se jettent sur les Français
en se servant des baïonnettes fixées sur leurs fusils contre les lames acérées
des ennemis. C’est une mêlée où l’on se bat à coups de crosses et à l’arme
blanche. Des deux côtés, on hurle pour se donner du courage et terrifier
l’ennemi, d’autres hommes tombent, aspergeant tout de leur sang. Les insurgés
tiennent bon et les Français reculent.
    — En avant ! crie Pablo
García Vélez. Ils battent en retraite !… Tuons-les tous !
    Weller et Franzmann, qui ont reçu
des blessures légères – le premier a l’arcade sourcilière ouverte, le second,
une entaille de baïonnette à l’épaule –, savent qu’appliquer le mot
« retraite » à l’ennemi est une chimère ; aussi, après avoir
échangé un bref regard d’intelligence, ils jettent leurs fusils et se
précipitent sous les arcades en esquivant comme ils le peuvent le feu de
mousqueterie qui vient de l’autre côté. Ils arrivent de la sorte sur la petite
place de la Provincia, où ils butent sur des soldats français. À leur surprise,
ceux-ci, en les voyant seuls, en uniforme et sans armes, ne se montrent pas
hostiles. Ils échangent avec eux quelques mots en français et en allemand, et
les aident même à panser leurs blessures quand les Gardes wallonnes leur
racontent qu’ils les ont reçues en tentant de s’interposer entre les
combattants.
    — Ces Espagnols, vous savez… affirme Franzmann. De vrais animaux, tous. Jawohl !
    Après quoi, les Français indiquent
aux deux camarades le meilleur chemin à suivre pour ne pas faire de mauvaises
rencontres, et ceux-ci descendent la rue Atocha pour aller se faire soigner à
l’Hôpital général. Quelques heures plus tard, sans autres incidents, le
Hongrois et l’Alsacien seront de retour dans leur caserne. Et là, alors qu’ils
s’attendaient à un sévère châtiment pour désertion, ils s’apercevront à leur
grand soulagement que, dans la confusion qui y règne, personne n’a remarqué
leur absence.
    Le tailleur Antonio Gálvez n’a pas
la chance des Gardes wallonnes Franzmann et Weller, quand il tente de
s’échapper, après s’être séparé du groupe dans la mêlée de la voûte de la rue
Cuchilleros. Pendant qu’il court de la rue Nueva à la

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