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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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telle meurtrissure. De sorte qu’un chemin nouveau s’ouvrait. Au moins chez les hommes, la faute s’effaçait. Et Dieu verrait en Son temps la manière de juger, à l’aune de l’éternité et de Sa connaissance infinie, la perversité de Ravort et la culpabilité de son agresseur. C’était la juste application de la ligne de conduite du jésuite. Il interprétait le retour de son protégé au bercail comme le troublant écho de la parabole du fils prodigue qui, après avoir fait son propre apprentissage, erré, divagué, commis le mal – en somme, jeté sa gourme – retrouvait son père et renouait avec la probité. Emporté par ses convictions, s’efforçant de rallier Toussaint à sa cause, il cita Thomas de Celano 2 : « Voilà donc un homme que sa juvénile ardeur plonge dans la fièvre du péché ; les penchants de son âge sont plus forts que lui ; il jette sa gourme ; le venin de l’antique serpent l’empêche de se discipliner… »
    Dans la sacristie de l’église Saint-Médard, le sermon fut sincère, semblable au caractère vrai et entier de l’homme de foi. Toussaint l’écoutait-il ? Il fit le nécessaire pour que le prédicateur le croie, n’ignorant rien de l’art d’entendre sans écouter pour s’y être tant de fois exercé au collège. Il dit encore qu’il réfléchirait jusqu’au mardi suivant, comme l’y invitait Calmés, mais la cause semblait entendue. Il se rangerait à la raison. En vérité, l’esprit du manchot se trouvait ailleurs car, avant de lui proposer de devenir apprenti chez le maître maçon Pontgallet, Calmés s’était expliqué sur sa façon d’effacer le passé, sans user de la brutalité. De se venger, en somme, d’un destin cruel sans recourir à la sauvagerie. De triompher en faisant simplement éclater la vérité car, à force d’obstination, le préfet de discipline avait, croyait-il, reconstitué l’essentiel de la véritable vie de l’orphelin au cours de son enquête, de la rue de la Couture-Sainte-Catherine au Pont-Neuf.

    — Tu n’es pas né comme ton parrain te l’a dit, débuta-t-il sans avertissement.
    L’annonce produisit un bel effet. Cette fois, Toussaint ouvrit grandes les oreilles.
    — Comment le savez-vous ?
    — Quand je cherchais à te retrouver, j’ai croisé sur le quai du Pont-Neuf une vieille femme étrange, véritable diablesse. Elle disait s’appelait Paillard. Ce nom ne t’alerte pas ?
    Le visage de la sorcière surgit du passé.
    — Pour te la décrire, insista Calmés, elle hurle, jure, s’en remet au Mal. Quoi d’autre ? On l’appelle la vieille à deux dents , mais elle n’en a plus.
    Il s’agissait de la même. Pourtant, Toussaint ne dit rien.
    — Elle délirait sous l’effet du vin, continua le jésuite, et il faut remercier les effets de ce poison car elle me confia d’étranges choses, comme quoi elle t’avait aidé à naître et même sauvé…
    Il marqua un temps avant d’ajouter :
    — Ce qui ne fut pas le cas de ta mère…
    — Elle l’a tuée ? s’emporta Toussaint.
    — Patience… D’abord écoute-moi. Donc Paillard racontait et je crus possible d’en apprendre plus, mais elle sombra soudainement sous l’effet de la boisson. Son état était si pitoyable qu’il semblait vraisemblable qu’elle mourrait sans livrer son secret. Mais ni l’enfer ni le paradis ne voulurent l’accueillir cette nuit, puisque je la revis.
    Il s’excusa presque :
    — Que veux-tu, je suis entêté…
    — S’est-elle livrée davantage ? reprit impatiemment Toussaint.
    Calmés fit mine de ne pas entendre la question.
    — J’ai hésité avant de la chercher, poursuivit-il, ne sachant pas s’il fallait croire à ses fadaises. Mais je devais en avoir le cœur net. Aussi, suis-je retourné sur ce quai qu’elle semblait n’avoir jamais quitté. Elle divaguait autant qu’à mon premier passage. Entre injures et jurons, elle s’est encore vantée de t’avoir aidé à vivre et que sans elle tu serais mort. Tout cela je le savais. Alors, priant le Seigneur de me pardonner pour ce que j’allais faire, je l’ai saisie par le col, et affrontant sa puanteur qui m’arrachait les tripes, j’ai secoué sa carcasse. « Vous vous trouviez sur le quai quand l’enfant est né ? » La diablesse tanguait, ricanait, crachait sa haine. « Non ! » répondit-elle, et ce fut l’un des rares moments de ma vie où la colère monta. Je vouais aux enfers cette manipulatrice, mais, plus je la menaçais, plus elle se

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