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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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de…
    — Paillard ?
    — Elle n’était pas seule, murmura Delaforge entre ses dents.
    — Marolles aurait-il pu sauver ta mère ? Est-il coupable ?
    Le silence suffit.
    — Avant de conclure hâtivement et de te soumettre à la colère, entends-moi, reprit Calmés. J’ai eu le temps d’envisager toutes sortes de théories. Car une interrogation capitale demeure. Oui, bien sûr, je mesure ton chagrin, ton désir de savoir ce qui est advenu réellement à ta mère, mais ce qui compte aujourd’hui c’est…
    — Promettez-moi une chose, coupa Toussaint. La vieille Paillard ne vous a vraiment rien appris de plus ? Où est enterrée ma mère ? L’a-t-on fait ?
    Son visage blanchissait, sa bouche tremblait. L’émotion gagna Calmés plus qu’il ne le désirait. Il se força à le fixer solidement dans les yeux, composant le faciès implacable du préfet de discipline :
    — Plus un mot ne sortit de la bouche de la soiffarde.
    Un homme droit mentirait-il ? Au prix d’un intense effort, Toussaint recouvra un peu de son calme et décida de remettre à plus tard le cas de Paillard. Il fallait patienter. Il savait où la trouver et n’avait pas précisé qu’il la connaissait. La vieille avouerait ce que le trop tendre Passe-Muraille n’avait pas découvert.
    — Eh bien, venons-en à cette interrogation capitale que vous annonciez plus tôt.
    — Promets-moi en échange de te rendre chez Pontgallet et de te soumettre à son éducation, répéta le jésuite.
    Toussaint pouvait toujours le faire.

    Parmi les raisons multiples et confuses qui expliquaient qu’il eût finalement cédé au projet de Calmés, les révélations de ce dernier comptaient lourdement. Mais venait aussi, et peut-être en premier, le sentiment brutal de n’être plus rien. Ce séjour d’un mois dans l’église Saint-Médard avait torturé son âme, détruit ses illusions, et le supplice qu’il endurait – infirme à jamais – lui paraissait infiniment plus douloureux que sa blessure, et plus intolérable que la mort. De Montcler aux arènes de Lutèce, l’invincible n’avait connu que la force et n’avait existé que par elle. Désormais l’ancien lutteur se voyait réduit au rang des reclus, condamné au rôle du misérable. Calmés lui tendait la main. Le gaucher regardait la sienne, et la rage le gagnait. Dans cette ville où il connaissait le sort réservé au faible, n’ayant d’autre talent que celui de savoir se servir d’une lame, combien de temps survivrait l’estropié ? Devait-il mourir, laisser faire la lassitude, s’abandonner à l’œuvre de la Faucheuse, tant de fois narguée ? Partir pour ne plus voir cette manche sans vie ? Mais être faible – céder, en somme ! –, c’était renoncer à la vengeance, oublier ceux par qui le mal était arrivé. Y penser simplement réveillait la colère, la tempête qui grondait depuis que Calmés lui avait confié ce qu’il imaginait.
    La présence de Joseph de Marolles dans la cave de la rue de la Tonnellerie, le jour de la naissance de Toussaint, suffisait pour se persuader que le confesseur privé du marquis de La Place n’avait pas trouvé miraculeusement un orphelin au Pont-Neuf, pas plus que ne s’expliquait pourquoi il s’était empressé de venir à son secours. Sa présence avait donc un sens, et l’expliquer était capital. Toussaint songeait à la manière forte. Un face-à-face musclé, et les aveux suivraient. Sans surprise, Calmés plaida la prudence mâtinée de ruse, et ses arguments restaient convaincants. Il estimait tout d’abord que les informations dont il disposait reposaient sur Paillard, un témoin discutable. Que vaudraient les borborygmes mystiques de la sorcière si on décidait de les confronter aux propos mesurés d’un honorable ecclésiastique ? Que lui reprochait-on ? D’avoir sauvé un enfant, de s’être occupé de son éducation ? En somme, l’accusait-on d’avoir nui au nouveau-né qu’il avait protégé ? Le procès était perdu d’avance. Venait l’examen de l’accusateur. Qui était Delaforge ? Une erreur de la nature ? L’affaire Ravort ressortirait. S’y ajouterait la désertion de Montcler, preuve de sa culpabilité, et Calmés ne pourrait que se taire, de crainte que l’on découvre le passé du lutteur invincible. Accorderait-on le bon droit au tueur des arènes ? Afin que la vérité éclate, Calmés faisait confiance au recul et au temps plus qu’à la colère, à la raison plus qu’à l’emportement

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