Un jour, je serai Roi
victime.
1 - Visitant ce port de pêche proche de La Baule, Gaston d’Orléans y aurait perdu la boucle d’un de ses souliers. Une légende laisse croire que la boucle est toujours au Pouliguen et qu’une famille se transmet le trésor de génération en génération.
2 - Extrait de la Vita Prima , la vie de saint François d’Assise, écrite en 1228 ou 1232 par Thomas de Celano. La Vita Secunda , seconde œuvre du même auteur sur saint François d’Assise, est connue en 1244.
3 - Ce monstre doté d’un corps de lion et d’une tête de femme posait une question aux passants. Le Sphinx interrogea Œdipe : « Qui avance sur quatre pieds le matin, à midi, sur deux et sur trois, le soir ? » Réponse : l’homme. Enfant (à quatre pattes). Adulte (deux jambes). Enfin vieillard (appuyé sur son bâton).
4 - Ce surnom péjoratif venait de leurs habits de couleur bleu.
Chapitre 23
C E SAMEDI D’AVRIL 1663, le cocher Bourdine s’arrête non loin de la place d’Armes qui marque l’entrée de l’ancien château de Louis XIII. De son point de vue, Toussaint Delaforge aperçoit les grilles de l’entrée réunie à deux pavillons. Des gardes peu féroces y traînent la semelle. Serait-ce parce que les trésors à surveiller s’y font rares ? S’il a perdu son pont-levis, l’ancien relais de chasse de Louis XIII s’est vu gratifié d’une avant-cour encadrée par deux ailes. Celle du sud accueille les écuries et sa basse-cour. Celle du nord, les offices, doublée d’un même appendice. L’ensemble est équilibré, mais, à l’exemple de la reine venue ici voilà plus de deux ans, Delaforge juge que ce manoir provincial en forme de U inversé n’a pas grand-chose de souverain . Plus étonnant encore, rien ne semble avoir changé, malgré la fougue et l’empressement que montrait le roi. Pourtant, quand l’architecte Le Vau parle de Versailles, ses yeux brillent. Un jour, ce château dépassera le Palacio del Buen Retiro du roi Philippe IV , chef-d’œuvre de l’âge d’or ibérique décoré par Diego Rodríguez de Silva y Velasquez 1 , prétend-il. De grâce, soupire Delaforge, on n’y est vraiment pas. Ce qu’il voit ne ressemble presque à rien et, sans le savoir, ses pensées rejoignent donc celles de Marie-Thérèse, reine de France. Oui, rétorquerait sans doute l’architecte du roi, et de feu Mazarin, mais un jour … Louis Le Vau a ses entrées au Louvre et il sait écouter.
Le roi n’a pas de plus grandes amours que Versailles, n’eût été peut-être celui qu’il réserve à Mademoiselle Louise de La Baume Le Blanc 2 , complice charmante et nouvelle favorite qui se plaît autant que son amant dans ces lieux propices à leur idylle. Tout y est secret, inédit, et si différent de l’étiquette du Louvre et de Saint-Germain. Nul besoin de se cacher par crainte de croiser le regard vitreux et courroucé de la reine. On peut rire, s’embrasser, marcher main dans la main, laisser venir la nuit avant de se nicher dans une chambre dépouillée de l’apparat pesant de la Cour. Ici, la vie devient sincère et Louis aime se retrouver ainsi. Sa maîtresse partage son attachement à la nature sans contraintes. À l’inverse de son épouse espagnole, elle apprécie la forêt, les chemins à peine débroussaillés. C’est elle qui, dès le matin, réclame une selle, un cheval, et rivalise d’audace, galopant à bride abattue, sautant le lit d’une rivière, fouettant les flancs de sa monture pour qu’elle affronte sans détour les obstacles. Troncs d’arbre, fossés, haies sauvages, rien ne lui fait peur. Parfois, le roi lui-même peine à la suivre. Elle tire sur les rênes, jette un regard au-dessus de l’épaule, rit à gorge déployée, cingle le sang de l’animal. Elle provoque son royal amant, annonce qu’elle arrivera la première à Versailles. Ils y parviennent épuisés, le visage en sueur, se serrant l’un à l’autre en gravissant l’escalier qui les mène à leur chambre. Une autre course folle débute. Le lit est douillet, mais il n’y a ni or ni argent. Les sols sont couverts de planchers de sapin ou de simples carreaux de terre cuite, les cheminées sont en plâtre. Que ce domaine a du bon…
Si Versailles ne plaît pas encore à Marie-Thérèse, il n’en est rien des intimes qui se joignent à Louis XIV dans ses escapades libertines. Depuis 1661, bas les masques ! Les cœurs se livrent nus. Titres, honneurs, stricte hiérarchie s’effacent. Tous endossent
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