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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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premiers mois, il y pensait inlassablement. Puis, le temps fit son œuvre, le printemps et l’été vinrent. Il finit par espérer que tout cesserait.
    Le 5 septembre suivant, celui de 1659, on le vit cependant de fort mauvaise humeur. Le matin, il resta cloîtré dans sa chambre, guettant l’annonce d’un visiteur. Rien ne vint. Il se crut sauvé. Mais à l’heure du dîner, on annonça la livraison d’un colis à son attention. Il courut s’enfermer. Il y avait du champagne, de l’eau et un mot : Monsieur, il m’a tardé d’attendre un an pour vous donner de mes nouvelles. Elles sont bonnes. Je progresse dans la vie et me porte à merveille. Venons-en aux faits. Je vous prie d’apprécier le champagne et de me pardonner pour la pauvreté que j’y joins. De l’eau ! Pour le confesseur du marquis de La Place ? C’est à peu près tout ce que j’ai reçu en héritage. L’eau de la rivière Seine, voici mon sang. Et que pourrais-je vous donner de plus précieux ? J’imagine que le flacon de l’an passé vous a embarrassé, mais j’espère que vous l’avez conservé car, maintenant, je vous invite à comparer les niveaux. Que voyez-vous ? Le nouveau est plus bas. C’est infime, mais il est vraiment plus bas. Pourquoi ? Voici la réponse : quand vous recevrez un flacon enfin vide, il faudra vous méfier. Considérez qu’il s’agit d’un signal, que la vérité est proche. D’ici là, veillez sur vous, je vous prie. J’éprouve tant de délectation à vous savoir rongé par l’inquiétude ! Votre dévoué filleul, Toussaint Delaforge. Marolles se jeta sur le premier flacon qu’il avait fini par cacher dans un coffre et le compara au second. La différence était minime. À ce rythme, il avait le temps de mourir dix fois avant de subir la vengeance de son tortionnaire.
    Mais l’année suivante, quand il reçut le troisième envoi, sa raison défaillit. L’eau avait diminué d’un quart, et la missive était aussi alarmante que courte : Méfiez-vous. Chronos s’impatiente. TD.
    Depuis, chaque livraison réserve sa part d’horreur et d’angoisse. Tantôt, le niveau diminue peu ; tantôt, la prédiction se précise. Ainsi, le dernier flacon était à moitié vide, ou à moitié plein, si le jésuite avait montré un peu d’optimisme.

    Chaque 5 septembre, Toussaint s’impose un autre cérémonial. Il dîne avec Calmés. Le repas est frugal. Ni champagne ni bombance. L’eau trône sur la table. Delaforge sourit intérieurement. Le révérend prend des nouvelles. Elles sont bonnes. Bien sûr, il s’est inquiété après la disparition cruelle du maçon Pontgallet. Marguerite, son épouse, l’a reçu froidement. Mais il faut la comprendre : un fils et un mari ! N’imaginant pas autre chose que la douleur et le chagrin, et se sentant impuissant, il prie pour elle et pour sa fille Anne, partie au pays limousin. Il croit que Toussaint, comme les autres employés, a quitté le navire, contraint et forcé. Il ignore tout de son renvoi. Bien sûr, Delaforge inquiète Calmés. Se laissera-t-il tenter à nouveau par le Mal ?
    Rien de mauvais n’apparaît. Le préfet de discipline sait que l’architecte Le Vau a pris sous sa coupe l’ancien apprenti et se réjouit d’entendre son protégé lui narrer toutes sortes d’entreprises dont la conclusion est souvent profitable. Il gagne bien sa vie – ses tenues le prouvent –, seconde désormais son mentor, part en Nivernais pour défendre ses intérêts, se mêle à la construction du collège des Quatre-Nations dont Paris parle. Quand ils se voient, Calmés s’exprime peu. Garder pour lui la confession de Marolles le rend mal à l’aise. Il regarde Toussaint, observe combien il change et se bonifie, en oublie parfois le lutteur des arènes, scrute ce jeune homme aux yeux gris et aux lèvres pleines fort charmeur et se dit qu’il ne manque qu’une épouse pour que la conversion soit totale. Mais le pudique Calmés évite ce sujet et se laisse bercer par les propos lénifiants de l’ancien collégien.
    Delaforge sait ce qu’il produit chez Calmés et en joue sadiquement. Il se montre adorable, presque tendre, finaude, prend le temps de s’intéresser au collège de Montcler, réclame des nouvelles de Baltius, du Père supérieur, apprend que celui-ci est mort et en conclut que le dernier magister qui pourrait le poursuivre pour la tentative de meurtre sur Ravort a disparu. Quand vient l’heure de se séparer, Delaforge prétend qu’il

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