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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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Brun, Le Nôtre ont-ils entendu ne serait-ce qu’un mot de ce que le roi m’a confié ?
    — Ils étaient à vingt pas, et moi, au milieu des laquais, et…
    — Personne ne s’est approché ?
    — Une muraille invisible et infranchissable vous encerclait.
    — Très bien. Dans ce cas, écoutez-moi jeune homme, et vous saurez combien je pensais vrai à propos de Versailles.
    Il soupire, ménage son effet, et soudain éclate de rire :
    — Nous allons avoir du travail, croyez-moi !
    Delaforge est désormais habitué aux excès de l’architecte. Son talent se double d’exubérance.
    — Oubliez-vous le collège des Quatre-Nations que Colbert et le roi vous ont commandé ? N’est-ce pas assez d’ennuis ?
    — Peccadilles, billevesées. Vous êtes là pour exécuter, n’est-ce pas ?
    Le collège des Quatre-Nations, voulu par Louis XIV et financé par feu Mazarin, selon son testament, est l’affaire qui occupe l’architecte. C’est même ce qui l’a davantage rapproché de Toussaint Delaforge. Il lui fallait un prête-nom pour conduire de sordides tractations visant à l’enrichir et il ne pouvait trouver mieux. Les deux hommes ont profité de ce chantier pour construire seize maisons de rapport inscrites dans le projet. Ni l’un ni l’autre n’apparaît, mais, dans les coulisses, ils tirent les ficelles. En échange d’une maigre commission, le beau-frère de Le Vau joue les factotums. Eux se versent l’argent produit par la vente des constructions. Imaginant plus grand, Delaforge a aussi négocié l’achat des charpentes. À quoi bon fournir du neuf ? Il recycle des poutres infestées de termites, payées le quart du prix. Mais le gros morceau, c’est le devis de construction du collège, grossi de soixante mille livres. Qu’en dit Le Vau ? Depuis la construction de l’hôtel de Beaumont, l’architecte n’en est pas à sa première indélicatesse. Les deux font la paire, en somme. Voilà pourquoi ils sont inséparables.
    — Les limiers de Rabaton sont sur notre piste, insiste Toussaint. Colbert demandera des comptes à propos de ces suppléments. Nous avons bien assez sur le dos pour nous ajouter de nouveaux tracas.
    — Je fournirai des détails pour noyer le poisson. Ces idiots n’y connaissent rien, rétorque l’architecte, l’esprit occupé ailleurs.
    — Et s’il faut rendre l’argent ?
    — Nous nous rattraperons sur les fondations. Une fois enterrées, il devient difficile de les toiser…
    Il s’agit de cent mille livres détournées sur la construction, en sus de ce qui n’est pas justifiable. Bien qu’il touche sa part, Delaforge s’inquiète. Ce n’est pas qu’il ait peur, mais le filon est si bon et sert tant ses propres intérêts qu’il ne souhaite pas le voir s’épuiser.
    — Nous en reparlerons, s’agace Le Vau. Suivez-moi à présent.
    Il bondit hors du carrosse, entraînant son complice à sa suite. Depuis la place d’Armes, il domine le bourg de Versailles.
    — Tout cela sera rasé, et on construira des hôtels plus beaux et plus grands que ceux de Paris. Nous gagnerons cent fois ce que nous avons obtenu sur le chantier du collège des Quatre-Nations.
    L’architecte est un panier percé et, son projet de manufacture de fer-blanc en Nivernais lui coûtant cher, il vit à crédit, ne s’intéresse qu’au futur. D’ailleurs, il le prouve en se tournant vers le château.
    — Adieu, le sage Louis XIII et son petit manoir…
    — Vous songez à le démolir ?
    — Non, glisse Le Vau en fermant à demi les yeux comme s’il cherchait à visualiser ce qu’il imagine. Je ferai mieux, car j’ai compris aujourd’hui ce que voulait le roi.
    — Agrandir, construire d’autres ailes ? Doubler, tripler le tout ?
    — Eh non ! jeune ami… Je vais réconcilier le passé et le futur…
    — Parlez plus clair, je vous prie.
    L’architecte tente de se calmer, mais l’excitation ne le lâche plus.
    — Avez-vous vu ces jardins ? Mesurez-vous la patience de Le Nôtre pour transformer ce bourbier en Babylone ? Devinez-vous la complexité des lieux, l’immense défi de créer ex-nihilo ? Approchez et voyez combien l’horizontalité est morne et ennuyeuse, qu’il n’y a rien et que l’on manque de tout, sauf d’eau. Pourquoi Sa Majesté en désire-t-elle encore ? Les fontaines, mon cher ! Sans elles, ce serait le royaume de la lassitude… Il faut égayer, éblouir, magnifier !
    Il reprend son souffle, bougonne :
    — Oui, cela aussi, il faut que je le

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