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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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regrette d’avoir à le faire, mais que Le Vau l’attend. Un moment, il regarde Passe-Muraille filer dans la rue. Et se moque intérieurement de ce vieux pantin à la démarche sèche, mal ficelé dans un manteau usé. Il attend que le jésuite se retourne – car c’est la coutume –, pour le saluer une dernière fois. Puis il file retrouver sa maîtresse afin de vider son trop plein de haine, de retenue, de fausseté contenue si longtemps. Calmés, de son côté, rejoint le collège de Montcler où il endosse l’allure immuable du préfet de discipline . Il faut patienter un an avant de revoir son protégé, et lui, sera-t-il en vie ? Au moins, se dit-il, la preuve est faite que tout être a droit au rachat. N’est-ce pas le cas de Toussaint qui, cette année encore, ne lui a parlé ni de Marolles ni du marquis de La Place ? Calmés retourne à son sacerdoce, convaincu de la justesse de son opinion et regrettant de moins en moins d’avoir à supporter seul le poids de la confession de l’ignoble parrain de l’orphelin. La vérité s’oublie donc, imagine-t-il en fermant les yeux, nuit venue, sur une ultime prière.

    Chaque matin, Delaforge s’arrache d’une couche douillette et des bras d’Angélique pour se rendre chez le Vau où il se présente comme un familier. Il traverse l’atelier de l’architecte du roi, salue de loin les dessinateurs qui tracent et matérialisent les pensées du maître, nées la veille. On lui répond d’un coup de tête, parfois on préfère la baisser. Delaforge n’est pas aimé des gens de Le Vau. Il s’en moque. Lui seul pénètre dans son cabinet sans frapper. À peine assis, il prend soin de lui réciter le dernier éreintement ou pamphlet publié dans la nuit et qui circule sous le manteau. Colbert , le Nord , fait à nouveau les frais de l’esprit satirique. On nargue sa pingrerie, ce qui réjouit l’architecte. Parfois, quelques mots d’esprit du fameux libertin Bussy de Rabutin parviennent à Paris. Le pauvre vit en exil en Bourgogne pour avoir déplu au roi et s’être fait coincer en pleine orgie pendant la semaine sainte 4 . Mais sa plume reste vive et acide. Prudent, Le Vau se garde de l’apprécier ouvertement, de peur de courroucer Louis XIV. En revanche, il réclame le compte rendu des moqueries qui émaillent les soirées des salons du Marais auxquelles se mêle Toussaint, et combien ce dernier pique et mord brillamment quand il décortique ce monde. Chose faite, le premier architecte s’inquiète. S’en est-on pris à lui ? Ses craintes sont justifiées car il y aurait à dire. L’entrepreneur de fer-blanc produit en effet de l’artillerie à la fiabilité discutable. Les boulets, mal formés, touchent rarement leurs cibles, et les canons crachent le feu de travers. S’ajoute cette manie de tricher sur les fondations. Le Vau économise sur les devis, trompe sur les quantités, de sorte que ses constructions sont parfois branlantes. Son toupet est tel qu’on le soupçonne de légèretés à propos de l’élévation de l’hôtel Bautru, rue Vivienne. La chose serait banale si le Nord n’envisageait d’acquérir ce bien. Alors, a-t-on parlé de lui ? Delaforge l’apaise : il veille. Allons, se rassure Le Vau, voici qui récompense son audace. Et s’il avait des ennuis, il compte sur le fidèle Toussaint pour les aplanir.
    Aussi, passent-ils une partie de la matinée à régler les questions en cours. Les dettes, tout d’abord. De sorte que les vices d’une vie dispendieuse apparaissent. Le Vau aime le luxe. Il s’entoure de frivolités, de vases antiques, d’ivoire, de marbre, de meubles précieux – et même d’une horloge astronomique. On le croit riche, la vérité est plus crue. Il fonctionne à crédit, emprunte, mais ne rembourse jamais. Il lui faut de plus en plus de liquide. Et Delaforge en trouve. La pose de charpentes de « seconde main » sur les maisons entourant le collège des Quatre-Nations est son idée. Les faux devis aussi. Le non toisage des fondations sort de son esprit. Delaforge a le génie d’un retors et Le Vau ne peut plus s’en passer. Bien sûr, ces services ont un prix. L’exécuteur des sales besognes prend sa part. Un moitié, moitié sur lequel Le Vau est peu regardant. Si bien qu’en septembre 1663 l’ancien apprenti de Nicolas Pontgallet, le manchot, ex-lutteur des arènes, l’orphelin de la Seine, possède déjà cinquante mille livres. Il est riche, occupe le premier étage d’un hôtel

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