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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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passera : Anne ne résistera pas. En présence de celui qu’elle n’a jamais oublié, elle se trahira, avouera la vérité. Et détruira son couple, sa vie, celle de la petite. Delaforge et sa malédiction, celle qu’il traîne avec lui comme la mort, il faut y mettre fin – et détourner ce monstre de leur chemin.
    — Maman !
    Anne sourit. Elle apporte le pain cuit du soir. Les Limousins l’accueillent avec des vivats. Un ou deux reluquent ses hanches. Sa fille devient de plus en plus belle. Qu’attend Léon pour lui faire un enfant ? Marguerite serre les poings. Rien, personne ne viendra briser le vrai bonheur qu’elle tente de reconstruire et auquel elle s’accroche, réservant ses larmes et sa colère à elle seule, quand elle finit par aller se coucher et sombre sous les assauts du chagrin et de la fatigue.
    — Grand-mère !
    Amandine court rejoindre Marguerite et se jette dans ses bras. Non, décidément : rien ni personne ne viendra détruire ce petit cœur plein d’amour.

    À Paris, fin juillet 1664, Le Vau s’affole, les comptes virent au rouge. Dépense-t-il trop ? La vérité est qu’il ne mène pas bien ses affaires. Pourtant, les commandes affluent. En voici une nouvelle, celle de l’église Saint-Louis-en-l’Île, et tout irait bien si les marguilliers, ces scribouilleurs qui surveillent les travaux des édifices religieux n’étaient sur son dos. Ils s’interrogent sur la solidité du futur édifice. Que diraient-ils en apprenant que Le Vau envisage de grappiller sur les fondations comme il s’y emploie sur le chantier du collège des Quatre-Nations ? Il rogne sur la largeur et la profondeur, mais comment vérifier quand des tombereaux de terre ont été versés ? C’est pourquoi il s’arrange pour qu’on ne toise pas ce qu’il construit. Il gagne une perche par-ci, par-là 1 . Autant qu’il ne dépense pas en matériaux et en heures de travail. Au final, les gains se montent à des milliers de livres, archivées dans le carnet noir de Delaforge. Cela ne retire rien au génie de son maître qui a le défaut de dépenser trop à cause de ses coûteuses aventures en Nivernais. La manufacture de fer-blanc ressemble à un gouffre sans fond. Le don de trente mille livres obtenu auprès de Colbert ne fut pas suffisant. Le Vau a dû contracter un emprunt, fort de la promesse d’une commande de canons et de boulets pour la marine. Encore faut-il savoir les fabriquer. Or l’architecte n’a plus guère de talent quand il s’agit de couler la fonte. Les essais sont désastreux. Les canons explosent. Et pour… corriger le tir, il lui faut de l’argent puisqu’on lui fait de moins en moins crédit, s’ajoutant à cela la menace d’un procès pour cette ennuyante histoire de poutres « pas tout à fait neuves » (et facturées comme telles) qui charpentent les maisons construites près du collège des Quatre-Nations. Dédommagements, intérêts, avocats, procédures ! Argent ! Argent ! Tout est-il bon pour en trouver ? Et voilà que depuis peu, Delaforge, qui profite largement des « écarts » de l’architecte, en réclame davantage. À croire qu’il cherche à acheter tous les terrains, toutes les maisons du bourg de Versailles s’imagine Le Vau. Et ce dernier voudrait faire de même : investir dans l’Eldorado. Hélas, les échéances sont si urgentes qu’il songe à se séparer de l’argenterie 2 .
    Delaforge deviendra-t-il riche, au point d’être jalousé par son maître ? En fait l’architecte ignore que son second a utilisé ses fonds pour financer le trafic de statues provenant d’Italie et dépensé des dizaines de milliers de livres afin d’accabler Antoine de Voigny. Les deux sont donc aussi mal sur le plan financier. Mais le plus jeune se garde d’en parler et ne semble pas même s’inquiéter du danger qui lui pend au nez. Pourtant, Delaforge sait, comme tout le monde à Paris, que le fils cadet du marquis de La Place a été arrêté à Aix-en-Provence, accusé d’avoir tenu le premier rôle dans un brigandage d’antiquités. Le caractère d’Antoine est trop faible pour qu’il n’avoue pas qui fut son commanditaire. Tôt ou tard, les liens qui l’unissent à Toussaint ne manqueront pas d’apparaître. Le scandale risque même d’emporter l’architecte du roi, déjà persécuté par les petits contrôleurs de Colbert et menacé de faillite sur la manufacture de fer-blanc. Tout va mal, en effet. Mais, ce matin encore, Toussaint sourit et se montre

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