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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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raconté aggravait le portrait du lâche, soumis à l’ascendant d’un autre – ce que son père traduisit par de la soumission. Antoine, le débauché, jouait, se ruinait, s’encanaillait, mais, avait-elle corrigé, il n’était pas coupable. Ainsi, la délatrice s’était faite protectrice. Pourtant ce qui était dit pour secourir l’âme se noyant avait aggravé le jugement de son père. Son fils avait besoin d’une femme pour se défendre, et si celle-ci se montrait agréable, le pédant marquis n’avait pas supporté l’idée qu’un sien ne sache se défendre seul. La comtesse, inconsciente de ce qui agaçait son vis-à-vis, avait continué, accusant un être redoutable dont le marquis devait sans doute ignorer l’existence. Toussaint Delaforge.
    Elle avait attendu qu’il la questionne. Il n’avait fait que lui sourire. C’est elle qui avait été surprise (et fort marrie) en apprenant qu’il connaissait ce triste individu et ne s’inquiétait pas de ça, ne manifestant qu’un peu d’étonnement narquois, rien de plus, rien qui puisse laisser croire qu’il était furieux, pis, inquiet. Ce quidam – un olibrius – n’éveillait aucunement sa colère, mais plutôt un air de dire que son fils était tombé bien bas pour s’acoquiner avec ce genre d’individu et que son intérêt pour de tels sujets s’arrêtait là. D’ailleurs, il avait balayé le débit de la comtesse d’un revers de la main :
    — Ce fils, j’en ai fait le deuil. Il ne réussira jamais rien. Je le sais… J’ai cru que vous m’approchiez pour m’apprendre qu’il y avait entre vous et lui quelque chose… Et je me serais réjoui de son bon goût.
    — Toussaint Delaforge le mène à sa perte, avait insisté Angélique en ne relevant pas le compliment. Et vous ne répondez rien ?
    — Je croisais ce garçon alors que vous n’étiez pas née et mon opinion est faite depuis longtemps.
    Elle avait écarquillé ses beaux yeux :
    — Vous mesurez alors son pouvoir de nuisance…
    La Place avait ri :
    — Je n’y crois pas un instant !
    Il s’en souvenait comme d’un petit orphelin, balafré et secret qu’il avait hébergé et dont le seul souvenir pénible était l’attachement presque grotesque qui l’unissait à sa fille, Aurore. Mais il se garda d’en parler.
    — Depuis toujours, il s’intéresse à ma famille. Son histoire est sans attrait, croyez-moi.
    Angélique était déçue. Écoutant son amie Sapho , elle cherchait à se venger et son projet tournait court. Sa rage avait décuplé :
    — Je vous aurai averti. Il conduira votre fils au désespoir. Mais sans doute n’est-ce pas vous qui le sauverez. Bonsoir, monsieur !
    Cette jolie femme était folle, excessive pour le moins, avait alors jugé La Place, cherchant ce qui pouvait justifier son courroux. Si elle voulait nuire au petit Toussaint, quelle était sa raison ? La haine se combinait souvent avec le sentiment amoureux. Était-elle éprise ? Cela aussi lui avait semblé insensé.
    Ainsi, il ne voyait chez Delaforge que l’enfant en guenilles et refusait de l’imaginer en séducteur mettant à mal le cœur d’une belle comtesse. De même, pas une fois, il n’y avait songé tel à un fils et, s’il se souvenait vaguement que ce garnement avait forcé la porte de la rue de la Couture-Sainte-Catherine après s’être enfui de Montcler, ce n’était qu’une anecdote, comme son apparition, quelques années plus tard, en l’église du couvent des Annonciades célestes. La Place, que tout désignait comme le père de Toussaint, pouvait-il, même s’il s’agissait d’un bâtard, se montrer si indifférent ?

    Alors qu’Antoine est mort, son père s’interroge et se montre fragile – si différent du portrait du fat de Versailles. Dans ce moment de solitude où le doute et le chagrin apparaissent sans fard, le marquis n’a nulle raison de ne pas être sincère, au moins avec lui-même. Or il ne voit en Delaforge qu’une quantité négligeable . Du plus profond de son être ne surgit ni rejet ni colère. À nouveau, il n’y pense pas comme à un fils indésirable. Est-il donc le père que cherche Delaforge depuis si longtemps ? À moins qu’il ne l’ait jamais su ? Le marquis cavaleur aurait-il séduit Marie et oublié l’aventure, cette rose cueillie, effeuillée un jour, pressé de passer à la suivante, ignorant que sa jolie servante – quantité tout aussi négligeable – était grosse ?
    Marie ayant informé Marolles de son état

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