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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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multipliant les aventures. Un écuyer, un gentilhomme de la chambre du roi, un chevalier l’ont rassurée sur son pouvoir de séduction. Elle les a enchaînés. Ses amants se tueraient entre eux si elle le leur demandait. La voici à nouveau mutine, désirable, et décidée à punir les hommes, à ne plus jamais être esclave de ses sentiments. Du moins, tant qu’elle ne songe à Toussaint dont elle ne parvient à se libérer. Son mal est profond, il la dévore, et, paradoxalement, plus elle se laisse séduire, plus elle désire se venger du genre masculin. Si bien que lorsque son valet Bonnefoix a toqué et passé le nez pour annoncer la visite du marquis de La Place, elle s’est d’abord étonnée et promis de lui faire payer l’air de mépris qu’il montrait à Versailles. De plus, il est veuf et on le dit vert. Un marquis ? Il en manque un à son tableau de chasse.
    — Qu’il patiente au salon. Je le recevrai plus tard.
    Bonnefoix est reparti. La Place attend. Midi vient. Bonnefoix se montre à nouveau.
    — Madame…
    — Il veut partir ?
    — Non, il ne bronche pas. Et pour tout dire, il ne bouge pas de son siège.
    — Je viens, soupire-t-elle, ravie de l’effet qu’elle produit.
    La comtesse vit dans la somptueuse maison que lui a construite Le Vau, non loin de l’hôtel Lambert. L’escalier est sonore. Elle sait que le cœur de ses visiteurs bat quand son pas fait de même sur les marches. Ils se lèvent, pétrifiés, la saluent et espèrent. La Place, lui, est tassé, rabougri, méconnaissable. Cet homme a changé depuis Versailles, ne cherche pas à faire moins que son âge. Une barbe de trois jours grisaille ses joues et, s’il redresse la tête, des yeux cernés se montrent. En l’entendant raconter la mort d’Antoine, Angélique oublie la torture qu’elle imaginait lui infliger, mais lorsque le nom de Toussaint Delaforge surgit, sa colère renaît. C’est lui le responsable. Il a conduit un garçon innocent et faible à sa perte. Il l’a empoisonné . Sa vision des événements est limpide : Antoine a cédé à l’attrait du jeu et de la débauche et, pour se sortir de l’ornière, a tenté l’impossible en se lançant dans une aventure malhonnête et périlleuse.
    — Je ne lui connaissais aucune dette, corrige son père.
    — Il vous les cachait, invente-t-elle car elle ne l’a jamais su. J’ai mesuré la perversité de Monsieur Delaforge. Il vous envoûte afin que vous deveniez sa proie. Puis il vous garrotte…
    Ses derniers mots se noient dans des sanglots. Elle parle d’elle et La Place le comprend. Cette femme, se dit-il, décrit ce qu’elle vit. Son opinion est corrompue par son propre malheur. Que ne ferait-elle pour nuire à celui qu’elle aime désespérément ?
    — Je n’imaginais pas que son influence fût telle qu’on finisse par devenir son jouet, murmure-t-il, s’étonnant de ce qu’il découvre sur celui qu’il a hébergé.
    La remarque est humiliante, inutile, mais La Place n’est plus lui. Ce marquis suffisant la prend pour une sotte, se révolte Angélique. La douleur ne le change pas. Seul son avis compte.
    — Je ne mens pas ! Hélas ! la perte d’un fils ne retire rien à votre aveuglement. Vous n’écoutez que vous. Eh bien ! Allez, monsieur, et souffrez égoïstement.
    Elle se lève, le congédie et lui se résout. Il sort péniblement de son fauteuil, fait un pas vers la porte tel un pantin de bois animé par une main qui voudrait le rendre ridicule. Au dernier moment, il se retourne.
    — Madame, pardonnez-moi si je vous ai blessée, glisse-t-il d’une voix morne. J’ai eu tort de ne pas vous écouter.
    — Vous changez d’avis comme la girouette se plie au vent !
    — Sur un point, je ne varie point…
    — Lequel, je vous prie ?
    — Votre beauté. Et je l’estime assez pour imaginer qu’elle vous évite les chausse-trappes. Pourtant, reconnaissez que celui dont nous parlons possède assez d’atouts pour l’avoir bouleversée.
    — Qu’en déduisez-vous ?
    — Je me suis peut-être trompé sur son cas et vous avez raison. Le diable est en lui…
    — Vous ouvrez enfin les yeux !
    — J’en ferai de même avec la boîte de Pandore, glisse-t-il sans desserrer les dents.
    Le marquis s’est redressé. Ses yeux brillent.
    — Que voulez-vous dire ?
    — Si j’obtiens la preuve de ce que vous avancez, je le tuerai, assène-t-il froidement.
    Elle voulait qu’on la croie, se venger, mais le voir mort ? En vérité, la comtesse garde

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