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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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grand âge, poursuit le jésuite. Elle ne se mesure pas au nombre des années. Pour l’homme, la sagesse surpasse les cheveux blancs, une vie sans tache vaut une longue vieillesse. Amen …
    Une longue vieillesse . Celle du marquis le sera et il n’est pas sans tache. Combien de péchés a-t-il commis ? Quand arrivera le moment de les payer ? Antoine était pur, intact, naïf, incapable de nuire. Il faut accuser la candeur ou peut-être ce Toussaint Delaforge qui aurait ourdi une machination. La Place est sorti troublé de son entretien avec la comtesse de Saint-Bastien, mais continue à douter. Aussi, a-t-il décidé de mener son enquête après l’enterrement et, s’il manque de force, François viendra à son secours. Au moins, il demandera cela au soldat.
    Philippe se tourne sur la droite et regarde le siège réservé à François. Vide. Voilà dix jours qu’il a quitté l’Anjou et, depuis, il ne donne aucune nouvelle. En arrivant à son domaine, le marquis a appris qu’il était parti comme un fou dès l’annonce de la mort de son frère. Il rentrait pour Paris. Pour retrouver son père ? Le soutenir ? Le geste est émouvant, et plus encore emporté, à l’image du personnage trop souvent irréfléchi.
    Et voilà qu’il manque les funérailles. Que s’est-il passé ?

    Le lendemain de l’enterrement, le 10 août, Marolles décide de musarder. La journée précédente fut éprouvante. Le marquis était l’ombre de lui-même, une loque, une chiffe. Qu’était devenu celui qui se montrait si dur avec son fils ? Reproches, vexations, humiliations, mépris, critiques publiques, il n’a rien épargné au cadet et maintenant, il le regrette. Ah ! La nature humaine est étrange, songe le révérend, versatile et changeante. Voici que Philippe de Voigny serait tombé en adoration devant le cher disparu. Il fallait s’y prendre autrement, lui témoigner de l’affection et un tant soit peu de respect. Mais ce n’est pas un jour à tancer un bienfaiteur, pense le jésuite. Il attendra une prochaine confession pour lui en faire le reproche. C’est ainsi, en pesant sur les consciences, qu’il préserve son ascendant. Et plus encore sa place. Marolles laissera donc tout le monde en paix et profitera de l’agréable chambre du manoir familial qu’on met chaque fois à sa disposition.
    La pièce se situe au second étage. Il y est bien et il y a de l’espace, une belle cheminée, une literie douillette et quelques jolis meubles qui le changent du mouroir dans lequel il se réfugie, rue de la Couture-Sainte-Catherine. Il descendra tout à l’heure, pas avant que huit heures ne sonnent à l’horloge qui bat la mesure tout près d’un bureau offrant une vue à l’ouest, sur le parc, et combien il aime s’y asseoir, caresser le bois précieux et toujours propre, ciré à neuf ! Il y écrit toutes sortes de notes inutiles, souvent copiées dans les Livres saints, et laisse traîner quelques feuillets pour le cas où un œil tombe dessus. Il juge bon de faire croire qu’il s’intéresse à l’exégèse. En bas, il se rendra dans la cuisine où le thym se mêle aux parfums de saison. Des servantes accortes le prieront de s’installer, de goûter à la confiture, de reprendre du pain.
    Rassasié, il s’en ira, mains dans le dos, trottiner dans le parc, reflet de la douceur angevine. À l’ombre des tilleuls et des hêtres, il fera mine, à l’exemple du faux dévot, de réciter sa prière, remerciant le Seigneur pour les beautés de la création. À midi, il reviendra pour le dîner et composera une tête de circonstance. Il y aura le marquis et sa fille, Aurore, une peste qu’il déteste parce que sa langue bien pendue se moque des airs de piété de celui qu’elle accuse d’être trop bon vivant. Ce supplice achevé, il restera l’après-midi pour profiter du meilleur. Une carriole tirée par un âne docile sera à sa disposition et l’aidera à s’échapper vers les coteaux fleuris du domaine. Il longera des prés et des champs où les gens du marquis travaillent. Si on lui demande de bénir un enfant ou un malade, il s’y emploiera de bon cœur, et s’arrêtera dans une ferme pour boire de l’eau fraîche du puits. Il adore reluquer ces personnes rustiques , fortes en gueule et belles en chair. Les jeunes vierges, surtout, qui ne sont ni craintives ni avares de sourires, contrairement aux insolentes de Paris. Il se réjouira de ce spectacle authentique et sincère et se souviendra avec

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