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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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voulez-vous dire ?
    — La vérité, mon fils. Celle que j’ai entendue en confession. Tu t’en es pris au marquis de La Place et tu as eu tort.
    — Que savez-vous ? Parlez !
    — Je ne te dirai rien, même si tu me jetais au lion comme les premiers martyrs, mais, écoute ceci. Tu crois que le marquis de La Place est ton père. As-tu imaginé qu’il pouvait ne pas l’être ou qu’il ne le savait pas ? Alors, de quoi l’accuserais-tu ? Pas même de t’avoir abandonné, puisqu’il ignorait ton existence. Il te faudrait des preuves pour accepter que tu te trompes depuis toujours. Écoute-moi encore : Marolles est le seul à avoir voulu te voir disparaître. C’est lui qui a excité le fils du marquis en t’accusant de la mort d’Antoine. Passe-Muraille te le dit : son père n’a jamais agi contre toi. Et je ne t’ai jamais menti.
    Calmés se lève. Il enfile son vieux manteau.
    — Désormais, l’abîme du doute s’ouvre sous tes pieds. Tu as peut-être tué des êtres qui n’étaient pas responsables. Tu vivras avec cela, sans connaître la vérité. Ce sera ta punition.
    — Allez au diable ! hurle Delaforge à l’ombre qui fuit. Je saurai, que vous le vouliez ou non ! Je saurai qui est mon père !

Chapitre 43
    O N ACCÈDE À CE JOYAU architectural du quartier du Marais par une cour d’honneur indécelable depuis l’extérieur. Avant de pousser un lourd portail orné d’un cartouche où la gouge de l’artiste a gravé les initiales L & P, tout n’était qu’impatience, et voici qu’au milieu du silence, le bruit du gravier roulant sous la botte du visiteur devient assourdissant…
    Un homme avance d’un pas décidé, le regard fixé sur les fenêtres du premier étage où se trouve le cabinet de travail. Les carreaux ondoyant sous les caresses du soleil font barrage à la vue, mais on aperçoit toutefois les glaces décorées de feuilles d’or de cette pièce dédiée aux paisibles œuvres de l’esprit. Une silhouette passe furtivement derrière l’une des fenêtres et s’efface. Il est là. Peut-être écrivait-il ou lisait-il dans un fauteuil, peu avant d’être alerté par le crissement du gravier ? Il n’attend personne, ne souhaite aucunement parler. C’est l’ordre que récite à longueur de journée le valet posté devant l’entrée principale, et il s’apprête à le répéter à l’homme élégant et fort bien habillé qui s’arrête à trois pas de lui, sous le fronton où a été sculptée une allégorie de la Vérité.
    — Annoncez-moi au marquis de La Place.
    Le valet, un inconnu, a ouvert la porte. Il toise le visiteur.
    — Je crains fort que monsieur le marquis ne reçoive pas en ce moment. Vous ignorez sans doute que…
    — Annoncez-moi, je vous dis !
    Le ton est sans appel.
    — Un nom, alors ?
    — Toussaint Delaforge.

    Le 6 septembre 1664, peu avant midi, Delaforge pénètre dans le vestibule monumental où se trouve, sur la gauche, l’escalier d’honneur menant au cabinet de travail. La Place s’y terre depuis la mort de son fils François. Le manchot s’est renseigné. Il lui a suffi de se rendre au couvent des Annonciades célestes et de se présenter comme un ami souhaitant – mais anonymement – faire dire une messe en mémoire des deux fils du pauvre Voigny. Le bedeau chargé des cérémonies qui l’a reçu, un bonhomme aussi épais que son vin de messe, s’est montré disert en voyant apparaître une bourse d’au moins vingt livres. « Dieu, quel malheur ! Et on craint aussi pour le père qui refuse de sortir de chez lui et ne mange plus et, à ce qu’on dit, reste nuit et jour dans son cabinet de travail sans changer d’habits, sans se raser. » Delaforge avait écouté patiemment le lamento . Il n’était plus pressé. Il attendait le rendez-vous avec son père depuis vingt-cinq ans. Mais ce dernier le recevrait-il ? Là aussi, il n’avait aucun doute. Le marquis de La Place gardait forcément en tête la mise en garde de la comtesse de Saint-Bastien, et la lettre de Marolles qu’avait reçue François de Voigny et qui avait déchaîné son ire – lettre que Toussaint avait en effet trouvée sur le soldat mort – prouvait que le petit monde de La Place gravitait autour de l’orphelin et le soupçonnait d’être l’auteur d’au moins un des deux drames. Le marquis n’avait pas encore réagi parce qu’il était paralysé par le chagrin, songeait Toussaint, ou qu’il redoutait l’affrontement, mais en se présentant à lui, il

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