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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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émotion du passé.
    C’est ici, à Voigny, qu’il a rencontré Marie, la mère de Toussaint, avant qu’il ne vienne à cette paysanne la mauvaise idée de monter à Paris pour devenir servante. Mais il faut qu’il cesse d’y songer. Il doit les oublier, elle et les soucis qu’elle a engendrés. Hélas, la rêverie à laquelle il s’est sottement abandonné l’a rendu de mauvaise humeur. Toussaint Delaforge, quelle erreur ! Un instant de culpabilité – laisser mourir un enfant, innocent, à l’inverse de ses parents, c’était à coup sûr s’attirer les foudres du Seigneur –, et voilà qu’en se donnant bonne conscience, il avait été mal récompensé : vingt-cinq années d’enchaînement. Il aurait dû l’abandonner, sans regret, sans remords, comme sa mère. Rien de grave ne se serait produit et Antoine serait sûrement vivant. Pour lui, il ne fait aucun doute que ce gamin devenu démon est la cause du drame qui atteint les Voigny. Mais bon, tente de se calmer Marolles, le cas de son filleul devrait bientôt être réglé.
    Le jésuite sait évidemment pourquoi François n’est pas présent. Il connaît sa fougue incontrôlable. Le soldat impétueux a reçu la lettre dans laquelle Delaforge était accusé sur la base du témoignage indiscutable de la comtesse de Saint-Bastien. La machine implacable s’est mise en route, précipitant le fils vengeur sur Paris afin de faire taire à jamais le coupable. À l’heure où il y pense, l’affaire est entendue. L’aîné du marquis apparaîtra d’ici peu, annonçant qu’il a obtenu du maudit orphelin l’aveu de ses turpitudes et que l’honneur est lavé. La mémoire d’Antoine sera sauve, et tout rentrera dans l’ordre.
    Marolles se détend. Ici, en Anjou, tout semble si simple, et c’est l’humeur légère (mais en se contenant au cas où il croiserait le marquis ou sa fille) qu’il rejoint le vestibule.

    Le contremaître, un dénommé Montaillier, le chapeau dans la main, l’air malheureux, dodelinant sur ses pieds, une boîte en bois coincée sous le bras, s’y trouve. Quel nouveau malheur vient-il annoncer ? Un manant s’est blessé avec une faux, un autre a été écrasé par un cheval, un petit s’est noyé dans la mare… ? Marolles devra sans doute aller voir une famille inconsolable et sa promenade sera compromise. Quelle guigne ! Le jésuite s’avance donc, peu courtois, sévère comme Dieu.
    — Qu’y a-t-il ?
    — C’est le fils de monsieur le marquis…
    François ? Marolles déglutit. Il pense à un accident. Serait-il tombé de cheval à deux pas d’ici ?
    — Un coursier arrive en trombe de Paris.
    — Et quoi ?
    — Monsieur François est mort.
    Le confesseur des La Place a besoin d’un fauteuil. On court le chercher.
    — Le coursier a aussi apporté ce paquet pour vous.
    Marolles se lève, renverse le siège, monte quatre à quatre l’escalier, s’enferme dans la chambre qu’il adore, ouvre le colis en y laissant deux ongles.
    Un flacon. Vide. Absolument vide.
    Un mot lui est joint : « Chronos en a assez d’attendre. »

    N’eût été cette tempe bleuie, Delaforge a fière allure. Calmés n’en démord pas : plus les années passent, plus il devient racé. Le bras qui pend sur le côté et la balafre sur le visage n’ôtent rien au charme et ajoutent même une part de mystère, de distinction. Derrière, qu’en est-il ? Calmés sait désormais qu’un mal profondément ancré s’accroche aux plaies incurables de l’âme. C’est un échec pour le jésuite, une remise en cause de ce qui forge sa croyance. Tout être peut-il se réformer ? Ce cas démontre le contraire. Rien de bon ne pourra en sortir, regrette-t-il en détaillant Delaforge puisqu’ils se retrouvent, comme chaque 5 septembre.
    Passe-Muraille est arrivé en avance ; Toussaint, en retard. Sa silhouette élancée s’est vue dès l’entrée de l’auberge. Il allait d’un pas alerte, souriait, apaisé. Aucun signe, à l’exception de cette tempe, n’indiquait ce qui s’était produit. Avant même qu’il soit assis, Calmés savait qu’il parlerait de Versailles, son ambitieux projet, et raconterait combien tout là-bas changeait, ayant donc mille fois raison d’investir dans ce modeste bourg plus grand chaque jour. Puis il prendrait des nouvelles avant de commander le repas. Et, en effet, tout, jusque-là, s’est déroulé ainsi. L’ancien collégien lisse et poli, le protégé, est un modèle de droiture, d’honnêteté, et il

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