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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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cherchait-il à dénoncer un double crime impardonnable parce qu’il savait pour Marolles ?
    Submergé par ses émotions, Toussaint écoutait les révélations qui surgissaient en désordre. Il se taisait pour ne pas briser le moulin à paroles qui s’emballait, maintenant que l’aveu le plus dur était fait. Ce pantin ridicule, au débit haché, à moitié allongé, à moitié debout, expulsait vingt-cinq années de mensonges. D’autres gens, alertés par le valet, risquant de surgir, il ne fallait pas l’interrompre. Toussaint jetait de temps en temps un coup d’œil sur Aurore. Son teint était pâle, mais elle respirait et, quand elle reviendrait à elle, Marolles en profiterait sûrement pour se taire. Alors, les portes du monde qui s’entrouvrait se refermeraient. Toussaint serrait le couteau, s’efforçait de rester déterminé. Marolles devait croire qu’il frapperait à l’instant où il deviendrait muet.
    Marie, entendait-il, venait d’Anjou. Marie était belle. Marolles était tombé amoureux d’un visage aperçu dans une ferme du marquis de La Place. Le fouet, la haire, cette chemise en étoffe de crin qu’il portait et lui martyrisait le dos, le jeûne, et toutes sortes de pénitences ne purent venir à bout d’une passion dont le pire effet se produisit lorsque Marie décida de rejoindre Paris. Tels Adam et Ève croquant la pomme, ils s’y retrouvèrent et commirent le péché mortel. Marie tomba enceinte et, convaincue d’être damnée pour l’éternité, songea à quitter la rue de la Couture-Sainte-Catherine. Marolles se disait désespéré. Il existait d’autres moyens de surmonter cette épreuve. Il pouvait renoncer à son sacerdoce, tous deux partiraient là où personne ne les connaissait. Il possédait de quoi commencer une autre vie. Marie s’y refusait car elle se sentait coupable et craignait la vie des pestiférés. Elle avait fui sans explications, alors qu’elle était sur le point d’accoucher. Marolles avait tout entrepris pour la retrouver. Même si Marie n’avait jamais avoué de qui elle attendait l’enfant, la cuisinière, sa confidente, devait savoir où elle se cachait. Pour l’obliger à parler, prétendait-il, afin de sauver Marie, il avait affirmé que le marquis était le père de l’enfant qu’elle portait. Affolée, Berthe avait lâché le nom de Paillard, l’accoucheuse du Pont-Neuf. Marolles s’était précipité, ne parvenant qu’à sauver le nouveau-né. En l’apportant rue de la Couture-Sainte-Catherine, Marolles avait fait promettre à Berthe d’oublier l’origine du bâtard. La brave s’était soumise et Marolles avait dû porter seul sa croix.
    Bien que brève, heurtée, l’histoire avait de quoi émouvoir, mais qu’y avait-il de vrai ? Presque tout, à l’exception d’un point capital : Marie n’avait jamais aimé Marolles. Plus exactement, elle le haïssait, puisqu’il l’avait violée.

    Il l’avait prise un soir, dans cette chambre minable, piégeant la jeune fille qui venait chercher son linge. Un moment de possession et de folie qu’il n’avait jamais regretté, soulevant sa soutane et faisant de même avec la jupe de la garce, soudoyant son corps, la brutalisant, jurant pendant qu’il besognait et suait qu’elle connaîtrait l’enfer si elle racontait l’aventure. Les gémissements de douleur de Marie excitaient Marolles qui se vida en râlant que la chienne jouissait d’être prise, qu’elle prenait du plaisir. « Hein, tu aimes ! », grognait-il, tandis que Marie, le ventre en feu, serrait sa chemise déchirée pour cacher sa poitrine.
    Mais cette idiote pouvait se plaindre. Allons, personne ne la croirait, se répétait-il pour calmer l’inquiétude qui naissait. Par prudence, il avait exigé de l’entendre en confession sur-le-champ afin qu’elle avoue ses intentions, et Marie, martyrisée, choquée, suppliciée par la souffrance autant morale que physique, s’était soumise. S’agenouiller et implorer Dieu pouvait peut-être effacer ses taches. Marolles, recouvrant sans vergogne l’allure sévère du jésuite, avait parlé d’un crime, certes commis à deux, mais dont le principal responsable était le petit air de vicieuse de l’aguicheuse. Usant des ressources extraordinaires qu’offre l’herméneutique, cette science de l’interprétation des textes bibliques, habitué à débattre du sexe des anges ou à défendre n’importe quelle cause et son contraire, il avait conclu que c’était par sa

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