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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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loin, et mourut. Son fils survécut. C’est lui, Toussaint, sauvé par Marolles, et accueilli ici. L’histoire est triste et il y a de quoi plaindre l’orphelin. Mais pourquoi l’entend-il ? se demande La Place. Voilà que la scène s’éclaire : le narrateur prétend maintenant qu’il est son père.
    Voigny ne bronche pas, ne réagit pas. Est-il honteux, confus, repentant ? On le serait à moins. Enfin, sa tête bouge, dodeline, mais son regard reste droit. Il scrute celui qui se dit son fils, ouvre la bouche, va parler.
    — Est-ce la raison pour laquelle vous avez voulu vous venger ? murmure-t-il.
    — Répondez d’abord ! Avez-vous abandonné ma mère ?
    — Jamais.
    — Vous ignoriez donc qu’elle était enceinte ? questionne-t-il plus doucement, même si sa colère ne faiblit pas.
    — Oui, concède Voigny après avoir longuement hésité.
    Il a répondu sans montrer de regret, et ce n’est pas qu’il s’en moque. Il est ailleurs, loin de Marie, secoué, prisonnier d’un maelström, assailli d’émotions cruelles qui étouffent sa raison. Mais il s’accroche afin d’assembler les morceaux, et comprend peu à peu, réalise lentement que ses fils sont sans doute morts à cause de la vie misérable et stupide de celui qui, en face, le martyrise.
    — Je ne savais rien, ajoute-t-il, en se redressant, le feu de la colère brouillant désormais son regard.
    Il s’arrache à grand-peine du fauteuil auquel il s’accrochait. Il est de retour, au présent, et une fureur douloureuse gonfle son thorax et l’oblige à hurler :
    — Devines-tu pourquoi je t’ai dit que ton existence m’était inconnue, maudit bâtard ?
    Ses mains tremblent, ses joues rougissent, le sang bat, afflue.
    — Je n’ai jamais engrossé ta mère, cette servante. Je ne l’ai même jamais approchée ! Son nom, son visage, son corps, je jure devant Dieu, que tout d’elle m’est autant étranger que toi ! Tu peux m’arracher les yeux, me torturer, je ne t’apprendrai rien !
    À l’instant, Delaforge croyait avoir triomphé de la fatalité, éclairé sa vie et brisé le joug qui l’emprisonnait. Il avait un père. Sa quête s’achevait. Mais ce menteur tente encore de lui voler ce qui est à lui !
    — Vous torturer ? Le mot est trop faible, c’est votre cœur que j’arrache. Écoutez celui que vous refusez. Voilà ce qu’il a fait aux fils que vous avez reconnus. Antoine, tout d’abord. Stupide, naïf, une cervelle inachevée ! Moi, le bâtard, je l’ai corrompu, ruiné, forcé à vendre son âme et je l’ai piégé pour que sa déchéance soit complète. Oui, monsieur son père, je l’ai poussé à se tuer.
    La Place bondit vers le bureau où se trouve la miséricorde.
    — Par tous les diables, je n’ai pas fini ! gronde le persécuteur. Auriez-vous oublié François ? Ce guerrier orgueilleux, convaincu de sa supériorité, est tombé dans un traquenard dont le plus minable des soldats aurait triomphé sans gloire. Se rendant à moi pour venger son frère, et mort, le nez dans la poussière ! Sans une prière, sans même que je lui ferme les yeux.
    Les larmes viennent au marquis. Sa vue se brouille, il tâtonne avant de s’emparer de la miséricorde, la saisit enfin, la tient fermement en main. Il va égorger le manchot possédé par le Mal. Delaforge regarde et ne tente rien pour l’empêcher, prisonnier d’une obsession, enfermé dans un raisonnement qui, s’il lui échappait, le conduirait à la démence. Il n’a pu survivre à sa naissance, à Montcler, au personnage du lutteur des arènes, à ce bras amputé, il n’a pu tromper le maçon Pontgallet, puis briser le cou de son fils Jean, mentir, tricher, voler, et accomplir tous ces forfaits afin de savoir qui il était… Et échouer pour finir ? Non, s’entête-t-il, il ne se trompe pas. Voigny est bien son père, mais il refuse de le reconnaître parce que son aveu serait terrible : par sa faute, il a donné vie au meurtrier des siens. Faut-il employer la brutalité pour qu’il avoue ? Le torturer, comme il en parlait ? Cela ne servirait à rien. La Place lisait la Genèse où il est raconté qu’un père ne peut tuer son fils. Et s’il tient la miséricorde, il ne la tournera jamais contre son propre sang. Dès lors, si Toussaint veut savoir de qui il est l’enfant, il faut qu’il offre son dos à la mort. Pour cela, il pivote et ouvre la porte. Le bâtard n’est pas fou, il va où ses idées le mènent. Si le sang des Voigny ne coule pas dans

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