Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
Vom Netzwerk:
se soumettraient, il vivrait affranchi, décidé à proroger les méthodes qui lui avaient tant réussi au pensionnat. Ravort se voyait déjà comme le nouveau démon de la Bastille, imposant sa terreur, et il profitait de ce moment, sommet d’un règne de dix années. Dans ce dortoir éclairé par la seule lueur de la pleine lune, il allait de l’un à l’autre, les toisait tour à tour, murmurait à chacun un mot, expliquant les qualités que réclamait la domination :
    — Serait-ce toi, Granchard ?
    Trop délicat.
    — Et toi, Vantier ?
    Trop généreux.
    — Charpentier ?
    Trop docile.
    — Vous êtes comme le chien attaché à son maître, le jésuite. Il vous a mis une chaîne autour du cou ! Il lui suffit de tirer dessus pour que vous lui obéissiez. Car les caresses du révérend Baltius vous plaisent…
    Ravort aimait cette mise en scène, cette belle occasion pour organiser une ultime humiliation.
    — C’est moi qui prendrais ta place.
    La voix avait résonné comme une sentence.
    Delaforge avançait dans la pénombre.
    Ravort se força à ricaner. Ses seconds en firent autant quand, à trois pas, on vit que le téméraire tenait dans sa main un couteau. La suite se produisit en un éclair. Le petit despote du dortoir fut saisi au poignet et forcé de faire un demi-tour pour ne pas se le voir arraché. Delaforge était dans son dos, main sous la gorge, le couteau dessus. Sous la menace de l’arme, l’ancien satrape s’agenouilla. La lame était effilée et, d’où qu’elle vienne, Delaforge l’avait aiguisée en songeant à sa vengeance. Maintenant, elle entrait dans la peau de sa victime qui suppliait qu’on la laisse en vie. Et personne n’aurait pensé que Ravort était si lâche, Delaforge si audacieux. Du sang se glissait entre les doigts de l’agresseur qui en ressentait une sorte de jouissance, notant chacun de ses effets pour s’en souvenir plus tard. Tuer était donc un plaisir.
    — Qu’en fait-on ? murmura l’assaillant à l’intention de ceux qui s’étaient approchés. On l’égorge ?
    Personne ne répondit car on comprenait combien une telle sauvagerie tentait Delaforge.
    — N’avez-vous pas envie de vous venger ?
    Il enfonça la lame davantage. Ravort gémit. Son assaillant le tira en arrière.
    — Un cri et tu y passes.
    Sa victime chercha bien du secours auprès de ses lieutenants, mais aucun ne se risqua à provoquer Delaforge. Ravort baissa la tête et serra les lèvres pour ne pas laisser s’échapper des sanglots. Mais le mal était fait. Il n’existait plus.
    — Une dernière fois, demanda le tueur en sondant l’assemblée, j’en finis avec lui ?
    Ravort répondit pour lui-même d’une voix suppliante.
    — Épargne-moi…
    Un instant, il sembla aux autres que Toussaint réfléchissait et qu’il pouvait gracier sa victime. Ce n’était qu’un effet, un juste retour des choses à l’endroit du sadique et de son infecte domination. Tout était calculé depuis des mois, peut-être des années.
    — Je te laisse le choix.
    Il tira Ravort par les cheveux jusqu’à la fenêtre.
    — Ouvre !
    Et Ravort le fit.
    — Je t’achève comme une bête ou tu sautes.
    Et on se souvint qu’ils étaient au second étage d’un immeuble qui, en calculant vite, s’élevait à ce niveau à plus de trente pieds 6 .
    Dans un sursaut désespéré, Ravort tenta de s’échapper. Il fut repris de justesse. Toussaint Delaforge enfonça la lame dans le cou, le sang coulait de plus en plus abondamment.
    — Saute, murmura un gamin effrayé par la scène. C’est ton seul salut.
    La poigne de Delaforge, ce solitaire que la plupart découvrait, décida de la suite. S’emparant de la chemise du condamné, et usant d’une force inconnue jusque-là, il hissa la chiffe molle – un tas de guenilles recroquevillées – sur le rebord de la fenêtre.
    — Crève, Ravort. Crève pour tout ce que tu as commis…
    On entendit très distinctement ces mots, puis les hurlements du condamné s’accrochant des mains, des ongles à la saillie du mur, aux arêtes jointées des pierres, à la corniche de la fenêtre du dessous, dans l’espoir impossible d’échapper à une chute mortelle et, après un temps insupportable, un bruit sourd, celui d’un corps s’écrasant dans la cour.
    Il y eut un silence terrible. Les lieutenants de Ravort étaient atterrés, les jeunes retenaient leurs larmes, la foudre s’était abattue sur le dortoir. Delaforge souriait. Pas un n’osait bouger de peur

Weitere Kostenlose Bücher