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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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humblement le roi d’être le guide des puissants et un secours pour les pauvres, d’être juste, de ne pas céder à l’orgueil, puisque nul autre que Dieu ne lui est supérieur. Louis XIV fait le serment de se soumettre au ciel, de respecter la liberté de l’Église et jure d’être miséricordieux. Toussaint rumine sa vengeance. Il ne pardonnera rien à ce jésuite, comme aux autres. Il se tait pour ne pas retarder sa sortie. Dans peu de temps, il sera dehors, libre, insoumis. Et, croit-il, maître de son propre royaume.
    À Reims, le roi reçoit l’anneau, le sceptre, la main de justice 4 . Dans un instant, il ôtera la couronne de Charlemagne pour s’emparer d’un diadème d’honneur, de gloire et de majesté 5 , couvert de pierres précieuses, qui divinisera son lustre. Mais le sacre n’est qu’une étape d’un long parcours qui le conduira vers les sommets. Louis n’est pas encore maître de son destin. L’État, ce n’est pas tout à fait lui. Il y a Mazarin, ce fidèle ministre qui veille, prépare le moment où son filleul guidera seul ses passions et ses rêves.
    L’art de gouverner s’apprend comme la patience.
    Dehors, les sujets jubilent, crient leur joie – Vive le Roi ! Celui-ci les saluera, avant d’atteindre la salle du banquet où l’attend la Cour. Le peuple ? Le roi ne l’oublie pas. Il posera les mains sur la tête de deux mille malades victimes de tuberculose, appelée aussi maladie des écrouelles, et prononcera les paroles sacrées : « Le Roi te touche, Dieu te guérit. » Voici celui qui deviendra un jour le Roi-Soleil et le maître de Versailles.
    Au collège de Montcler, Toussaint jette un dernier regard sur le livre d’Andrea Palladio. D’un geste du menton, Calmés l’autorise à descendre l’escalier qui mène à la cour.

    Toussaint Delaforge a seize ans ou presque, lui aussi. Comme ceux de sa condition, le pensionnaire du collège de Montcler sort du dortoir, emprunte les marches en respectant scrupuleusement la progression en rang par deux et en silence. On le repère de loin du fait de sa grande taille qu’une minceur trompeuse accentue. Il marche le dos raide, carré, puissant, les bras sagement collés au buste, au contraire de ceux qui l’encadrent et se montrent désordonnés, agités, malgré le rappel à l’ordre du préfet de discipline. On voit encore ses cheveux, dépassant de la mêlée, taillés court, noirs comme l’aile du corbeau et on pense ainsi à cause de l’épi rebelle dressé au-dessus du crâne. À vrai dire, c’est l’allure du romantique avant l’heure, d’un quasi-jeune homme et, si on lui ôtait cette méchante tenue pour l’habiller d’une veste légère, puisque le joli temps de printemps le permet, et de chausses grises ou blanches, voilà qu’il ressemblerait au portrait d’un Parisien du Quartier latin d’extraction bourgeoise – ou peut-être au fils d’un noble. Oui, aujourd’hui, tout est possible. Puis, au profit du virage dans l’escalier qui marque l’arrivée au rez-de-chaussée, on découvre sa face. Alors, les joues sont terriblement creuses, le regard gris sans vie, sans joie, la bouche serrée au point que les lèvres forment un simple trait marqué aux commissures par des rides précoces. Ce visage est hanté, habité par des forces violentes. Il cache la tempête, pis, un caractère brutal, bagarreur, sans doute, comme en témoigne la cicatrice qui barre sa joue et achève ce portrait lugubre.
    Sitôt dans la cour, les rangs se dispersent et les groupes se forment par affinité. Toussaint reste seul et s’il approche de ceux qui, ici ou là, forment un cercle, on s’écarte, recule, laisse le passage à ce garçon indifférent à tout, l’œil fixé sur les portes du collège, attendant le moment où elles s’ouvriront.

    À l’évidence, ce jeune homme inspire la peur et on comprend pourquoi en apprenant ce qu’il s’est produit la nuit même, au dortoir.
    Pour Ravort, minable chef de bande, c’en était fini. À dix-sept ans, il quittait Montcler à jamais. Paquetage prêt, il trônait au milieu de ses lieutenants, assemblés pour l’élévation d’un successeur. Le tyran du deuxième étage retrouvait la liberté. Il retournait à la Bastille, le quartier qui l’avait vu naître et dont il avait été arraché dans l’espoir de devenir honnête – la suite démontrant le contraire. Mais Ravort exultait. Dans son vrai chez-lui, pendant que tous ici réunis crèveraient de peur et

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