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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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l’orphelin, au bâtard, a réveillé le torrent qui grondait. La cuisinière n’a pas rompu son jurement. Pas le moins du monde, quand on sait que la trahison ne prend sens que si on agit consciemment. Or ce n’est pas son cas. Toussaint, en revanche, s’est servi du prénom arraché ce matin à son parrain. Il n’était sûr de rien, convaincu de n’obtenir aucune réponse. Il s’adressait à elle dans le seul dessein de partager son lourd secret, puisqu’il ne connaît personne d’autre avec qui le faire. Et qu’avait-elle répondu ? Doux Jésus, d’où tu l’as appris ? Dès lors, l’orphelin s’était dit qu’elle lui avait toujours menti, que tous étaient contre lui, cachant la vérité. Doucement… s’organisa-t-il aussitôt. Avec Berthe, la violence n’était peut-être pas utile. Du moins, pour débuter.
    — Qui d’autre que mon parrain aurait pu m’apprendre que ma mère se prénommait Marie ? commença-t-il d’une voix calme, alors que Marolles ne se montrait pas encore
    La cuisinière tanguait sur place, sa tête lui semblait trop lourde.
    — Il m’avait fait jurer de ne jamais t’en parler. C’est dangereux pour toi. Si monsieur le marquis est mis au courant, il sera furieux…
    Voilà qu’on avance, calcula l’enquêteur. Mais que faisait le maître des lieux dans cette histoire ?
    — Le père Marolles a estimé aujourd’hui que j’étais en âge de comprendre, sonda-t-il prudemment.
    — Il n’a pas pu tout te révéler ! s’exclama Berthe, commettant une nouvelle bévue.
    Quoi ? Quoi encore ! avait envie de hurler le jeune homme.
    — Plus que tu ne l’imagines, répondit-il sans se démonter.
    Berthe hésitait. Il fallait la convaincre.
    — Marie ! cria-t-il. C’est bien ainsi qu’elle s’appelait ?
    — Oui, oui.
    — Que te faut-il pour que tu cesses d’écarquiller les yeux ? Cela t’étonne, pourtant c’est ainsi. Mon parrain m’a révélé toute l’histoire de ma mère…
    Elle réfléchissait, visiblement sonnée par le poids et la gravité de chacune de ces paroles. Lui ne bronchait pas, épiant la cuisinière dont la cervelle mijotait comme ses sauces. Soudain, la marmite explosa :
    — Il t’a aussi dit qu’elle travaillait ici, chez le marquis ?
    — Bien sûr, rétorqua-t-il sans sourciller.
    — Mordiou ! Il faudra qu’il s’explique.
    — Surtout pas ! J’ai juré de me taire…
    — Moi aussi, soupira-t-elle.
    — Vois-tu ce qui arriverait si on apprenait la vérité, avança le jeune homme. Sans compter la pénitence que l’on t’infligerait…
    — Tu peux le dire. Quelle tornade ! Ce qu’on se dit doit rester entre nous et ce n’est pas moi qui en parlerai. Le jésuite me ferait aussitôt renvoyer… Mais Dieu, quelle idée lui est montée à la tête en te faisant découvrir ce qu’il m’avait ordonné de ne jamais raconter…
    La brave femme s’interrompit pour le sonder, un peu comme au temps où elle cherchait à lui faire avouer un petit larcin dicté par la gourmandise. Quand découvrirait-elle qu’il la trompait ?
    — Bien sûr, il n’a pas pu te livrer le nom de ton père…
    Toussaint approchait si près de la vérité qu’il en fut stupéfait. Tant, d’ailleurs, qu’il marqua un temps d’hésitation.
    — Non. Bien sûr, il te l’a caché, marmotta Berthe pour elle-même.
    Si prometteur et, désormais, si lointain, si injuste ! La folie qui ne le lâchait plus depuis la nuit où il avait failli tuer Ravort se réveilla. Il ne voyait plus Berthe, mais l’ennemi qui barrait sa route. Sans quitter des yeux la cuisinière, il glissa lentement une main dans la poche où se cachait le couteau volé au maçon Nicolas Pontgallet, prêt à en user s’il le fallait afin d’en savoir plus.
    — Berthe, jeta Toussaint d’une voix méconnaissable.
    La cuisinière se rendit soudain compte qu’un chaos intérieur le bouleversait, mais avant qu’elle n’ait le temps d’en avoir peur, Marolles surgit dans la cuisine, l’air méfiant et inquiet. Aurore, la fille du marquis, attendait dans le vestibule.

    Alors que Toussaint s’est levé à regret, le jésuite sonde Berthe, cherche ce qui claudique dans cette pièce :
    — Qu’avez-vous dit ? gronde-t-il.
    Berthe baisse les yeux. Toussaint le toise :
    — Je racontais la vie de Montcler.
    Sans doute s’apitoyait-il, en déduit le prêtre. La cuisinière est tendre. Voilà qui explique son air contrarié.
    — Rien d’autre ?
    — Rien de ce que vous m’avez appris

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