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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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Beltavolo, l’homme libre qui se plaît dans les cimes de son firmament.

    — As-tu des cartes neuves, l’Irlandais ?
    Beltavolo se montre au Rat gris au bras d’Eva del Esperanza, sa compagne d’alors. La beauté de la jeune femme ne se mesure plus. Elle porte une robe de velours sombre, cintrée à la taille et décolletée à la poitrine, de sorte que tout semble calculé pour que l’œil s’attarde sur la courbe sensuelle des fesses, puis revienne, s’égare sur celle des seins dont la chair pleine et ambrée laisse deviner la jouissance de celui seul qui, la nuit et le jour, caresse ce tableau. Mais il semble peser sur elle une malédiction dont l’histoire se devine parfois lorsqu’un voile éteint ses yeux couleurs de lave. Ses amants sont morts dans le sang. Pour les hommes entourant Beltavolo, l’explication est plus simple que l’hypothétique tragédie du destin : la femme est sorcière ! Et pour Beltavolo, ce sera quand ? Il hausse les épaules, s’en moque : Morir per non morir ! Il éclate de rire et serre dans ses bras Eva del Esperanza.
    — Alors, ces cartes !
    Simon Lazard se décide à répondre :
    — Traîne la patte les apporte…
    — Le boiteux des arènes ? s’inquiète Beltavolo qui a entendu parler du personnage.
    L’Irlandais acquiesce d’un coup de tête :
    — Il se présentera ce soir avec celui que tu attends.
    La Mouffe ne dort jamais et Beltavolo le sait. Son règne tient parce qu’il reste puissant, que le soleil brille ou s’efface. Cette nuit, d’une manière ou d’une autre, il aura réglé le cas de la mouche dans son lait qui ose le provoquer. Et si on lui veut la guerre…
    — Il faudra vérifier qu’ils ne portent pas d’arme.
    Lazard, l’Irlandais du Rat gris , secoue sa barbe. Ce sera fait.

    Cet autre, son ennemi, d’où vient-il ? De la nuit, en effet, et d’un peu plus bas, des anciennes arènes romaines situées rue Saint-Victor 5 , non loin de l’abbaye fondée par le chanoine Guillaume de Champeaux. Du bel amphithéâtre, il ne reste qu’un cercle auquel on accède par un goulet étroit entre deux maisons lépreuses : voilà où se battaient quinze siècles plus tôt les gladiateurs. Puis les lieux s’effacèrent, ensevelis par la ville. Mais la mémoire du sang s’accrochait. La piste seulement assoupie patientait, réclamant de nouveau la harangue du peuple et la hargne des combattants. Alors, dès que le jour s’éteint et que les ténèbres viennent, l’arène reprend vie pour donner la mort, et son sable rougit comme au temps du héros Spartacus, et réclame son preux, celui qui menace Beltavolo.
    On ne sait d’où il tient sa science du combat. Il surgit, œuvre et retourne en enfer. Il n’est qu’un contour, le vent, un inconnu, un fils de gladiateur, un souffle revenant du passé. Son visage se cache sous un masque de cuir et ses longs cheveux tombant sur les épaules ajoutent au mystère. Personne ne l’appelle, car aucun ne connaît son nom. S’il souffre, on ne l’entend pas. Sur le bras qui tient le couteau est tatoué Vivo ad extremum. « Je vis jusqu’au bout. » Un message envoyé à ceux qui le bravent. « Comptez les secondes. Il vous en reste si peu. » La nuit, ses fidèles se réunissent. Une plainte s’élève : le chant martial d’une tribu païenne. On frappe dans les mains, lourdement, attendant que le combattant se décide, qu’il se montre aux siens. Lorsqu’il se présente enfin, il ne veut ni cris ni acclamations. Il se battra, c’est certain, ne refusant aucun défi, jetant sa cape sur le sol aride, cendré, de l’arène, exhibant trop peu de temps un torse veiné de cicatrices anciennes, tournant déjà autour de sa prochaine victime, choisie par le boiteux surnommé Traîne la patte ou encore le Tordu parmi les prétendants qui rêvent de triompher.
    D’un geste, le lutteur demande qu’on éteigne un flambeau sur deux. On s’exécute. Il ne reste que deux silhouettes, presque irréelles, un ballet d’ombres qui s’affrontent. Des règles, il n’y en a qu’une, fixée par Traîne la patte , le maître des cérémonies : le sang coulera. On peut bien s’armer d’un bâton, d’une lance, d’un fléau, d’une masse, lui, le lutteur aux cent victoires ne variera pas. Il sortira une lame de sa botte, jouera avec, puis il la serrera dans la main droite, et attendra, jambes pliées, le premier assaut. Vivo ad extremum… Le boiteux réclamera le silence et abaissera son flambeau. On se

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